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Lakmé à l'Opéra de Montpellier - Gracile Sabine Devieilhe - Compte-rendu

Victime sans doute de son coupable exotisme aux relents colonialistes, Lakmé s'est fait rare sur les scènes françaises, et l'on ne peut que saluer l'initiative de l'Opéra de Montpellier, où Vincent Huguet réalise sa première production lyrique. Inspiré par les marches au bord du Gange, lieu de vie autant que de purification des Hindous, le décor de carte postale évite la surcharge folklorique. De colons les anglais sont devenus touristes, avatar contemporain de l'altérité en polo et robe à pois, dont les implications semblent sous-développées par une direction d'acteurs piégée par le concept scénographique – à titre d'exemple, le choix du drap pour dissimuler Gérald à la fille du brahmane manque l'exotisme voyeur du personnage, complice en cela avec le public. Le dernier acte atteint cependant une émotion décantée dans le sacrifice de l'héroïne, mi-Butterfly, mi-Juliette.

Aussi svelte vocalement que physiquement, Sabine Devieilhe séduit irrésistiblement avec sa musicalité gracile dans le rôle-titre, même si on pourrait y espérer un zeste de chair qu'Anaïs Mahikia réserve à sa Miss Ellen délicieusement fruitée. Plus à l'aise dans les airs que dans des récits parfois malmenés, Frédéric Antoun compose un Gérald touchant par sa juvénile et naïve sincérité. Nilakantha seulement efficace, Marc Barrard fait montre d'une ligne de chant moins généreuse en legato qu'à l'accoutumée. Marie Karall enveloppe Mallika d'une moire solide quoiqu'un peu monochrome, mais qui préserve néanmoins l'équilibre des timbres avec Lakmé dans le duo des fleurs. Véronique Parize jubile en Rose hystérique, aux côtés de la sage Miss Bentson de Karine Motyka. Loïc Félix convainc dans les interventions dévolues à Hadji. On oubliera en revanche le Frédérick grossier de Marc Callahan, d'évidence choisi pour son physique avantageux.

S'il ne se dégage pas une forte personnalité de la direction de Robert Tuohy, celle-ci présente l'avantage de détailler sans didactisme les couleurs de la partition, jeu auquel se prête plaisamment l'orchestre national Montepellier Languedoc-Roussillon. Saluons enfin l'honnêteté des choeurs, achevant de garnir ce chavirant écrin à colibri qu'est le chef-d'oeuvre lyrique de Delibes, qui reviendra à son lieu de baptême, salle Favart, en 2014.

Gilles Charlassier

Delibes : Lakmé – Opéra Comédie, Montpellier, 30 octobre 2012

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Photo : DR
 

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