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« La Vipère du Trottoir » par la Clique des Lunaisiens au musée d’Orsay - Pierreuses et demi-mondaines - Compte-rendu

La riche exposition « Splendeurs et Misères » du musée d’Orsay aura fourni beaucoup de sources d’inspiration à la programmation musicale de son Auditorium. Avec le thème de la prostitution, un détour du côté de la chanson s’imposait, tout comme le choix de La Clique des Lunaisiens d’Arnaud Marzorati (photo) qui, depuis des années accomplit un travail exemplaire sur ce répertoire - divers enregistrements dont « La Complainte de Lacenaire » (1), le dernier paru, en témoignent.
Un choix d’autant plus cohérent qu’une vraie fidélité unit Orsay, Magali Léger et l’ensemble de Marzorati. Sous le titre « La Vipère du trottoir » (un clin d’œil à Vincent Scotto), le patron des Lunaisiens a imaginé un programme mêlant des œuvres de Nadaud, Rollinat, Couté, Béranger, Bénech et autre Bruant - Léo Ferré est également présent avec Les bijoux  -, s’y ajoutent deux extraits instrumentaux signés Bizet et Massenet (tirés de Carmen et Thaïs).

Magali Léger © Sophie Boegly / Musée d'Orsay
De A Saint-Lazare de Bruant (une évocation des syphilitiques internées à la prison de Saint-Lazare) à La femme aux bijoux de Bénech, du sordide quotidien des « pierreuses » à l’éclat des demi-mondaines en activité à l’Opéra - où la gent masculine n’était pas forcément guidée par l’amour de la chose lyrique … - , une singulière galerie de portraits s’offre à l’auditeur grâce aux voix de Marzorati et de Magali Léger, mais aussi, à l’occasion, celles des trois instrumentistes qui les entourent - Cyrielle Eberhardt (violon), Marine Thoreau La Salle (piano) et Mélanie Flahaut, que l’on découvre au basson, au flageolet et… à la flûte renaissance ! L'option se révèle aussi surprenante que judicieuse, l’instrument offrant une sonorité vaporeuse, très appropriée dans certains contextes (pour suggérer par exemple les «bleus méandres » de La Cigarette au goût parfumé de Gaston Couté). Dans tous les cas les accompagnements imaginés par les Lunaisiens participent de la caractérisation des pièces, telles ces Marcheuses de Bruant qui, sur de lasses sonorités de violoneux, évoquent les « seins blasés » et les « pieds usés ».

En un peu plus d’une heure, l’esprit des caf’conc’, des « beuglants » revit, avec l’amour des mots propre à tout ce à quoi touchent Marzorati et son équipe. Espérons que cette « Vipère », taillée sur mesure pour Orsay et son expo, aura l’occasion de se lover sur d’autres scènes – elle le mérite !
 
Alain Cochard

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(1) « La Complainte de Lacenaire », chansons populaires du 19ème siècle (1CD Paraty)
 
Paris, musée d’Orsay (Auditorium) – 5 janvier 2016
(Concert enregistré par France musique ; diffusion le 15 février 2016 à 14h)

Photo © Sophie Boegly / Musée d'Orsay

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