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La Trilogie Monteverdi par Sir John Eliot Gardiner – Le culte du beau – Compte-rendu

Depuis un demi-siècle et son enregistrement des Vêpres de la Vierge (1), Sir John Eliot Gardiner (photo) n’a cessé d’explorer l’art de Monteverdi et d’en transcender l’esprit au-delà même des querelles musicologiques. A l’occasion du 450e anniversaire de la naissance du compositeur, il remet sur le métier la Trilogie (Orfeo, Le Retour d’Ulysse dans sa patrie et Le Couronnement de Poppée), à laquelle il consacre une tournée mondiale qui fait halte à la Philharmonie de Paris.
 
Sa formation de l’English Baroque Soloists assistée du Monteverdi Choir offre sous sa direction une interprétation de toute beauté où la perfection instrumentale le dispute à la grâce. La mise en espace d’Elsa Rooke – réduite à l’essentiel mais toujours pertinente – d’un symbolisme simplement esquissé, les lumières subtiles de Rick Fisher et les costumes d’Isabella Gardiner sobrement taillés à l’antique laissent la musique se déployer avec naturel, fluidité, sens narratif, alliant grâce, sensibilité et précision.
 
L’esprit de troupe prévaut au niveau de la distribution vocale constituée de dix-huit chanteurs totalement adaptables. Du côté masculin, Krystian Adam sait rendre toute l’émotion au désespoir d’Orphée, Furio Zanasi la vaillance d’Ulysse, et Gianluca Buratto, basse profonde, impressionne en Sénèque, Charon, Neptune ou Pluton qu’il incarne avec un sens théâtral inouï. Si le contre ténor Carlo Vistoli se montre un Ottone plein d’inquiétude et d’élégance, le Néron de Kangmin Justin Kim, assez brut, laisse peu de place aux états d’âme contrastés du personnage impérial. Une mention toute particulière à l’Iro d’un comique contagieux de Robert Burt ou au berger Eumée très persuasif de Francisco Fernandez-Rueda lors de la reconnaissance d’Ulysse.

Les voix féminines ne sont pas en reste, particulièrement Lucile Richardot remarquable Pénélope et Messagère qui devient méconnaissable dans le rôle travesti d’Arnalta du Couronnement de Poppée. Hana Blazikova, tour à tour Eurydice, Minerve, Fortuna et Poppée paraît bien fragile au regard de la puissante Ottavia de Marianna Pizzolata. Enfin, Anna Dennis en Melanto et Drusilla, timbre clair, ou encore Silvia Frigato en Amour facétieux complètent un casting homogène dont Gardiner sait tirer le meilleur parti au cours de trois passionnantes soirées.
 
Michel Le Naour

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(1) Pour en savoir plus sur la relation de Sir John Eliot Gardiner avec Monteverdi, et avec les Vêpres plus particulièrement : www.concertclassic.com/article/les-vepres-de-la-vierge-au-festival-de-saint-denis-lannee-monteverdi-de-sir-john-eliot

Monteverdi : Orfeo / Le Retour d’Ulysse / Le Couronnement de Poppée - Paris, Philharmonie (Grande Salle), 16-17-18 septembre 2017
Photo (John Eliot Gardiner) © F.S.D. 2017

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