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La Maîtrise Notre-Dame de Paris et les élèves du CNSMDP - De Bach au romantisme - Compte-rendu

Chaque année le Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris et la Maîtrise Notre-Dame de Paris, elle-même haut lieu d'enseignement musical depuis des siècles, se produisent conjointement lors de manifestations intensément préparées. Il y a un an (cf. Actualité du 30 novembre 2010), Musique Sacrée à Notre-Dame de Paris recevait neuf jeunes chefs de la classe de direction de Zsolt Nagy, un orchestre issu du Département de musique ancienne ainsi que de nombreux choristes de plusieurs conservatoires français et étrangers pour les trois premières parties de l'Oratorio de Noël de Bach. Prolongement d'un programme MSNDP dédié aux romantiques allemands (cf. Actualité du 9 novembre 2010), le présent concert « Bach et les Romantiques » rassemblait donc ces deux thématiques.

D'abord évoqués au grand-orgue par Jean-Pierre Leguay puis par le Jeune ensemble et le Chœur d'adultes de la Maîtrise dirigés, avec sobriété, par des étudiants de la classe de Zsolt Nagy, trois compositeurs étaient au programme : Bach, Mendelssohn, Brahms – plus une cerise sur le gâteau. Du premier, Leguay joua le grand diptyque en ut mineur BWV 546. Aussi polyvalent l'orgue de Notre-Dame soit-il, force est de dire qu'il n'est guère convaincant dans Bach – lui qui sonne presque partout, indépendamment de l'esthétique de l'instrument, n'y respire pas à son aise, du moins lorsqu'il s'agit d'un plenum mixtures et anches. Jean-Pierre Leguay fit pourtant des merveilles, d'éloquence et de clarté : titulaire de l'instrument, il connaît comme personne l'acoustique du lieu et sut concilier caractère grandiose du Prélude et nécessaire intelligibilité de la Fugue. Du grand art, mais pour une projection instrumentale non optimale. S'ensuivit le Motet Komm, Jesu, komm BWV 229, dirigé par Alexandre Bloch. En effectif « de chambre », le double chœur était soutenu par cinq étudiants du Département de musique ancienne du Conservatoire : orgues positifs et violoncelles par deux, contrebasse – élégance, précision et discrétion, peut-être excessive, sans grande chance de porter jusqu'au bas de la nef. Bach y fut abordé de façon lumineuse et sensible, prolongeant l'esprit de la Fugue BWV 546.

Changement radical pour le reste du programme (entièrement a cappella pour le chœur), avec d'abord l'Andante religioso et l'Allegretto de la Sonate n°4 de Mendelssohn. Quelques jeux (fonds, notamment flûtés, et anches solistes) suffirent à faire resplendir la vraie nature de l'instrument – quelle différence de projection dans l'édifice par rapport au mélange à la fois plus fourni et tellement moins sonore du Bach ! Un grand moment de poésie et d'architecture aux proportions fluides et généreuses. Après quoi le chœur (dès lors en effectif doublé) offrit le fameux Mitten wir im Leben sind à huit voix de la Kirchenmusik op.23 (1830) de Mendelssohn, dirigé par Quentin Hindley. Une toute autre ampleur, mais non moins de lisibilité et de nuances soigneusement élaborées, à la hauteur de la richesse et de la ferveur d'une œuvre dont le compositeur était si pleinement heureux.

Après le jeune Mendelssohn, et dirigé par Mathieu Romano, le chœur fit entendre les ultimes pages chorales de Brahms : les trois Motets op.110 (1889), d'une concision et d'une densité extrêmes sur des textes d'une tristesse résignée, assumée, chefs-d'œuvre également en double chœur. Ces pages étaient entourées à l'orgue de quatre des Onze Préludes de choral op.122 (1896), l'un des tout derniers cycles de Brahms. En 1991, Leguay avait enregistré à Saint-Ouen de Rouen l'une des plus belles intégrales qui soient au disque (Euromuses 2008), d'une force et d'un lyrisme confondants, également dans la méditation la plus élevée. À Notre-Dame, vingt ans plus tard, ces mêmes qualités ont semblé plus vives que jamais, doublées d'une mise en perspective instrumentale d'une singulière beauté.

La cerise sur le gâteau, sans œuvre pour orgue du maître, fut le dernier des trois Geistliche Gesänge (Chants spirituels) op.110 de Max Reger, page à cinq voix composée en cinq heures (!) en 1912, quatre ans avant la disparition du titan visionnaire, sommet de son œuvre sacrée a cappella. À la tête de l'ensemble de la Maîtrise depuis 2006, également chef du Chœur de l'Orchestre de Paris depuis septembre 2011, Lionel Sow (photo), responsable de la direction artistique et pédagogique de la soirée, était au pupitre. Un Reger ouvertement dépressif, d'une complexité et d'une modernité harmoniques – on est déjà dans l'univers du XXe siècle – aussi redoutables que superbement restituées par la Maîtrise.

Michel Roubinet

N.B. Intitulé Inviolata, un nouveau CD vient de paraître (Maîtrise Notre-Dame de Paris 002). Consacré à des œuvres mariales de Josquin Desprez, Tomás Luis de Victoria, Jean Mouton, Thomas Crecquillon, Pedro Escobar et de la compositrice Caroline Marçot, il sera présenté à Notre-Dame le 6 décembre 2011, lors d'un concert reprenant le programme du CD, réalisé sous la direction de Lionel Sow et avec le concours des Sacqueboutiers – Ensemble de cuivres anciens de Toulouse.

Concert Maîtrise Notre-Dame de Paris – CNSMDP, cathédrale Notre-Dame de Paris, 22 novembre 2011

Sites Internet :

« Bach et les Romantiques », concert du 22 novembre 2011 à Notre-Dame de Paris http://www.musique-sacree-notredamedeparis.fr/spip.php?article210

Inviolata – Ave Maria, concert du 6 décembre 2011 à Notre-Dame de Paris http://www.musique-sacree-notredamedeparis.fr/spip.php?article212

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Photo : DR
 

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