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La Gioconda de Ponchielli à l’Opéra Bastille - Une production paresseuse - Compte-rendu

Jamais représentée dans la capitale, La Gioconda méritait sans doute mieux que cette production paresseuse, déjà vue à Madrid et à Barcelone. Le spectacle conçu par Pier Luigi Pizzi n'a rien d'indigne, mais il est l'œuvre d'un scénographe, élégant certes et non celui d'un metteur en scène. Son approche d'esthète respecte le livret, mais aucune idée-force ne vient contrarier ou titiller notre imagination, ce qui nous vaut quelques scènes de foules réglées de manière classique et convenue, sans qu'une réflexion d'ensemble ne se dégage réellement. Plongée dans le noir, à l'exception des costumes aux reflets moirés, l'action pourtant riche en rebondissements progresse mollement, dans une Venise austère et bien mal éclairée (Sergio Rossi). Une fois la foule massée sur les ponts dispersée, les solistes livrés à eux mêmes, révèlent alors leur incapacité à jouer convenablement et à faire exister leurs personnages d'un point de vue dramatique.

Peu aidée par la direction poussive et sans élan de Daniel Oren, la distribution n'a rien d'exceptionnelle. Violeta Urmana, moins vibrante que dans l'intégrale conduite par Marcello Viotti (Emi 2003), n'a qu'une couleur pour parer le chant pourtant fluctuant de Gioconda. La voix est certes plus présente et moins débraillée que dans une récente Forza del destino, mais peine à surmonter les grandes envolées du dernier acte par manque de souffle et de sûreté. De plus l'aigu, très sollicité, n'est guère tenu et le poitrinage négocié trop tardivement, annule souvent l'effet escompté. En dehors de ces considérations musicales, la comédienne demeure fruste et ne parvient pas à faire frissonner le spectateur, se réfugiant derrière quelques attitudes désolantes que l'on accepterait à Vérone, mais pas sur la première scène nationale ; décidément le temps de sa Lady Macbeth avec Tcherniakov est bien loin.

A ses côtés comme dans La Forza de Jean-Claude Auvray, Marcelo Alvarez se montre prudent jusqu'au dernier acte où son Enzo semble se libérer. Avant d'arriver là, on craint à tout moment l'accident, tant la voix paraît rétive, fatiguée et peu encline au rayonnement. Caractérisé de façon sommaire son personnage se différencie à peine de ceux qu'il a interprétés sur cette scène, qu'il s'agisse d'Andrea Chenier, de Rodolfo (Luisa Miller) ou d'Alvaro (Forza). Qu'en sera-t-il de son prochain Radamès avec Olivier Py ?

Dans le rôle de Laura Luciana d'Intino réitère sa bonne prestation de studio avec Viotti, tandis que Maria José Montiel chante la Cieca avec conviction, sans faire oublier la performance inoubliable d'Ewa Podles à Barcelone (dvd TDK). Claudio Sgura interprète Barnaba comme autrefois Piero Cappuccilli, correctement mais sans subtilité, le pauvre Orlin Anastassov venant à bout de son Alvise avec difficulté, manifestement victime d'un refroidissement. Choeur de grande qualité et chorégraphie sans surprise de Gheorge Iancu, exécutée par Letizia Giuliani et Angel Corella, viennent compléter cette représentation.

François Lesueur

Ponchielli : Gioconda – Paris, Opéra Bastille, 7 mai, prochaines représentations les 10, 13, 17, 20, 23, 26 et 31 mai 2013.

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Photo : Opéra national de Paris/ Andrea Messana
 

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