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La Création de Haydn mise en scène La Fura dels Baus à la Seine Musicale – Créatif - Compte-rendu

Dans la foulée de son inauguration, le 22 avril dernier, la fringante Seine Musicale, la nouvelle salle de concert de l’Ouest parisien sise sur l’île Seguin à Boulogne-Billancourt, propose un spectacle de circonstance : La Création, ainsi qu’il sied, mais de Haydn et mise en scène. La part musicale revient à Insula Orchestra, orchestre en résidence à la Seine Musicale, complété du Chœur Accentus et de solistes vocaux, sous la direction de Laurence Equilbey. La mise en scène, quant à elle, est à la charge de La Fura dels Baus menée par Carlus Padrissa.
 
Cet imaginatif collectif de la conception scénique étonne comme toujours. Car l’imagination ne manque pas. Le dispositif général, dans l’auditorium arrondi, se distribue par un avant-plateau en guise de fosse d’orchestre, et une scène laissant chanteurs solistes et choristes au devant d’une vaste toile recouvrant l’arrière-salle. L’ensemble forme le réceptacle de multiples projections vidéo et jets de lumières, débordant jusqu’à la salle elle-même, mais aussi de divers éléments et praticables dont La Fura a la spécialité : filins, ballons, grue façon patte d’araignée, monticule enserrant un imposant aquarium... Les intervenants s’y agrippent, les grimpent ou s’y immergent, au gré des affabulations de l’inventive animation scénique.

© Marie Guilloux

Mais, dans son abondance d’idées et d’images (dont un portrait, émouvant, de Gerard Mortier (1), celle-ci respecte au plus près la trame de cet oratorio retraçant les épisodes inspirés de la Genèse, ses sept jours qui voient la création de l’univers et de l’être humain à travers les péripéties bibliques. Les intervenants vêtus de frusques actuelles autant qu’intemporelles ou antiques (des « réfugiés », précise Padrissa), errent du plateau à la salle, éclairés par les tablettes tactiles qu’ils tiennent en main, au sein d’un monde en fusion ou en gestation. À la fois saisissant et parlant.
 
La restitution musicale apparaît plus sereine, sous la battue uniformément réglée et apaisée de Laurence Equilbey. Les trois solistes interviennent en demi-caractère : Mari Eriksmoen, soprano sûre mais limitée dans ses ornements ; Daniel Schmutzhard, baryton aux moyens aplanis ; Martin Mitterrutzner, ténor plus ample. Le Chœur Accentus, à l’évidence très travaillé par Marc Korovitch, livre ses nombreuses interventions sans accroc majeur. De même que l’orchestre. Le tout dans une sonorité assez étale.
 
La révélation sonore viendrait davantage de l’acoustique, qui s’affirme mieux présente et détaillée que lors de la soirée d’inauguration quelque trois semaines auparavant. La disposition joue certainement, avec ses interprètes au premier plan, mais ce résultat sonore autorise désormais tous les espoirs. Et le public, qui emplit les 1150 sièges d’une salle archi-comble, de manifester son contentement par une large ovation finale.
 
Pierre-René Serna

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Haydn : La Création (Die Schöpfung) – La Seine Musicale, Boulogne-Billancourt, 11 mai 2017.
 
1) Gerard Mortier, disparu en 2014, ancien directeur de la Monnaie de Bruxelles, de Salzbourg, de l’Opéra de Paris et du Teatro Real de Madrid, entre autres, avec qui La Fura dels Baus collabora à différentes reprises. Voir :
www.concertclassic.com/article/memoriam-gerard-mortier-lelegance-et-le-gout-du-risque

Photo © Marie Guilloux

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