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La Clemenza di Tito au Palais Garnier - Spyres Imperator !

Alors que son électrisante interprétation d'Enée des Troyens est tout juste disponible (4 CD Erato), Michael Spyres (photo) fait de fracassants débuts à Garnier dans le rôle de Tito. Vue et revue depuis vingt ans, la magnifique production de Willy Decker, en tout point élégante, fine et intelligente n'a pas pris une ride. A plusieurs reprises maltraitée, la partition est cette fois défendue par une distribution haut de gamme, qui balaie en un instant de douloureux souvenirs. En fosse, Dan Ettinger livre une lecture où majesté et intensité sont intimement mêlées et où chaque linéament de l'intrigue trouve sa place et son juste dosage, à l'image du subtil continuo tenu par Muriel Bérard.
 
Dans le rôle-titre, moins acrobatique que celui de Mitridate dans lequel le ténor américain a déjà triomphé à Paris (au Théâtre des Champs-Elysées en 2016), la présence de Spyres semble une évidence. L’artiste possède en effet cet art du cantabile, ce port noble, ce phrasé ourlé et cette distinction vocale qui font les grands Tito. Incisif dans les récitatifs, d'une implacable rigueur stylistique dans les airs, comme le suave « Del piu sublime soglio » de l'acte 1, sa virtuosité est d'autant plus phénoménale qu'elle intervient sans le moindre effort pour culminer avec naturel dans un « Se all'impero, amici Dei » (acte 2) d'une suprême beauté.

© Sébastien Mathé - OnP
 
Vittelia brûlante, Aleksandra Kurzak n'est pas en reste, offrant pour la première fois au public un dramatisme et un engagement que nous ne lui connaissions pas. Eclatante de santé, la voix de la soprano transcende les difficultés notamment pendant l'air « Non piu dei fiori » où elle s'approprie un registre grave qu'aucune prestation antérieure n'avait encore révélée. Toujours en progrès, Marianne Crebassa trouve les ressources nécessaires pour faire vibrer de toutes ses forces et de toute sa flamme le personnage travesti de Sesto qui lui vaut un très bel accueil du public, comme avant elle Kirchschlager, Von Otter, Kasarova, Graham ou d'Oustrac (déjà présente en 2011 et ici en alternance). Valentina Naforniţa confirme en Servilia d'indéniables atouts en termes de charme et de fini vocal, Angela Brower mettant un peu de temps à prendre possession de la personnalité d'Annio, tandis que le timbre rocailleux et la diction italienne hasardeuse du Croate Marko Mimica mériteraient plus d'attention. Chœurs (préparés par Alessandro Di Stefano), comme toujours, excellents.
 
François Lesueur

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Mozart : La Clémence de Titus – Paris, Palais Garnier, 25 novembre ; prochaines représentations : 28 et 30 novembre, 3, 5, 8, 11, 14, 17, 21 & 25 décembre 2017 / www.concertclassic.com/concert/la-clemence-de-titus-0

Photo © DR

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