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La Cenerentola au Palais Garnier - Un plateau magnifique ! - Compte-rendu


Cette Cenerentola d’après Jean-Pierre Ponnelle a connu ses plus belles soirées au Bayerisches Staatsoper de Munich, ville chérie du metteur en scène où la mort le prit en 1988. Que reste-t-il d’un spectacle orphelin de son créateur et qui fête ses quarante ans cette année ? Tout, la verve, la charge, une certaine part de la magie des éclairages et des décors peints. C’est en soi une parfaite conservation et un problème resté entier. Car en 1971, porté par le succès de son ébouriffant Barbier de Séville, Ponnelle ne vit en Cenerentola qu’un opéra buffo (alors que Rossini indique sciemment dramma giocoso) le traitant comme tel, exposant – et alourdissant par l’exploitation devenue fastidieuse du comique de répétition – sa mécanique pas si impeccable que ça.

C’est là que le bât nous blesse, car enfin Cenerentola contient à côté de la comédie bien des traits de nostalgie, une touche de merveilleux, et pas seulement dans le personnage principal. Mais Ponnelle ne veut rien en savoir, tourne le dos aux subtilités de la partition comme à celles de la dramaturgie, se range tout entier du côté du paraître et de ses donzelles.

La scène la plus explicite de cette conception univoque est celle de la tempête du II où Ponnelle n’a rien d’autre à montrer qu’un groupe se protégeant de l’orage sous un seul parapluie. Pourtant cet orage, placé dans Cenerentola à l’endroit où Rossini l’avait déjà disposé une année plus tôt dans Le Barbier de Séville, peut servir à bien autre chose qu’à un simple divertissement.

Mais cessons de ratiociner, la Grande Boutique tient là un fort bon spectacle de fin d’année auquel ou ira en tous cas toutes oreilles ouvertes sinon tous yeux décillés. Pas cependant pour l’orchestre sans champagne et luttant plus d’une fois pour tenir sur le fil du rasoir rossinien dirigé sans trop d’entrain par Bruno Campanella.

Pour le plateau, oui ! Karine Deshayes fait bien de chanter maintenant son Angelina, le timbre y est, la nostalgie aussi, et l’abattage, cependant on la sent ça et là encore un peu traqueuse, la vocalise n’est pas assez libre, mais heureusement elle n’est pas mécanique, et le Rondo final la trahit un rien à la fin d’une soirée qui l’a visiblement épuisée. Il n’est pas certain que sa voix évolue pour se conformer pleinement à la vocalité du rôle.

La famille est formidable, irrésistible de ridicule, Carlos Chausson en fait des tonnes en Don Magnifico et la salle s’écroule de rire, Jeannette Fischer et Anna Wall s’éclatent en vraies mauvaises. Dommage que Ponnelle ait retiré à Alidoro toute trace de merveilleux, car Alex Esposito le chante diablement bien même si il ne peut aller vocalement dans la dimension ombrée du personnage. Parfait Dandini de Riccardo Novaro, bien plus noble de physique que son maître, le pourtant solaire, de timbre en tous cas, Javier Camarena. Voila un Don Ramiro qui ne craint pas le contre ut, mais sait aussi vocaliser et soigner ses messa di voce. C’est bien, c’est rare, ce n’est pourtant pas exactement la typologie du ténor rossinien di grazia comme ont pu l’illustrer en des termes bien différents un Cesare Valetti ou un Ivan Kozlovski.

Jean-Charles Hoffelé

Rossini : Cenerentola - Paris, Palais Garnier, le 28 novembre ; prochaines représentations les 1er, 3, 6, 8, 15 et 17 décembre 2011.

www.operadeparis.fr

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Photo : Opéra national de Paris / Agathe Poupeney

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