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La Bohème de Puccini à l’Opéra de Marseille – Une Mimi nous est donnée – Compte rendu

Pour changer de millésime, La Bohème mise en scène par Leo Nucci avait été programmée à l’Opéra de Marseille. Histoire, peut-être, de faire disparaître le virus avec Mimi et se tourner vers une année 2021 espérée un peu plus sereine et moins contraignante, voire assassine, pour le spectacle vivant. Mais un nouveau confinement plus loin, cette fin d’année a été bouleversée du côté du Vieux-Port. Exit Leo Nucci qui ne pouvait adapter sa mise en scène aux distanciations sociales et autres règles sanitaires ; exit aussi les représentations publiques …
La nouvelle mise en scène a donc été confiée à Louis Désiré dont le travail avec les artistes était bien avancé à l’heure où tombait le couperet des salles vides mi-décembre. Alors, avec la bénédiction de la ville de Marseille, sa principale tutelle, l’Opéra phocéen décidait une captation de ce spectacle afin qu’il puisse être diffusé par le biais d’internet. Enregistrement réalisé en lieu et place de la « première », le 20 décembre dernier, auquel nous avons eu le privilège et le bonheur d’assister.
 

Alexandre Duhamel (Marcel) & Lucrezia Drei (Musette) © Christian Dresse
 
Tout comme Tosca, Carmen ou Traviata, entre autres, Louis Désiré connaît sa Bohème sur le bout des doigts. En cette fin d’année sombre, il ne pouvait qu’en donner une version dépouillée de toutes fioritures laissant l’amour et le drame s’exprimer au sein de tableaux soignés et très cinématographique, ce qui tombait bien en la circonstance. Avec la complicité de Patrick Méeus qui signe des éclairages soignés, de Diego Méndez Casariego, créateur des décors et des costumes, le metteur en scène joue avant tout sur les déplacements et les regards des protagonistes, organisant une progression dramatique qui atteint son point d’orgue à la mort de Mimi, laissant l’émotion submerger tout autre sentiment. Frissons garantis.
 
Dans la fosse, dirigeant une vingtaine de musiciens, Paolo Arrivabeni propose, lui, une interprétation chambriste dont le côté intimiste est en adéquation parfaite avec le travail du metteur en scène. Même en formation réduite, la musique de Puccini demeure sensible, émouvante et sonne avec des accents plus romantiques que véristes, ce qui est dans la logique des choses concernant cet opéra. Elégance et raffinement sont aussi au rendez-vous du travail du maestro qui bénéficie de l’excellence des instrumentistes de l’Opéra de Marseille conviés à participer à cette production. Signalons que cette réduction orchestrale n’est pas incongrue, loin s’en faut, puisqu’elle fut utilisée en Italie lorsqu’on voulait donner l’œuvre dans de petites salles de province. 
 

© Christian Dresse 

Du côté de la distribution, ils étaient deux à embrasser pour la première fois les rôles principaux ; Angélique Boudeville, Mimi, et Enea Scala, Rodolphe (photo). Force est de reconnaître qu’à quelques jours de Noël, à défaut de nouveau-né, c’est une grande Mimi qui nous fut donnée. Une voix chaude, sensuelle et précise, une ligne de chant très pure, l’émotion à fleur de peau : rien n’a manqué à la soprano bourguignonne qui, après une formation de clarinettiste s’est tournée avec bonheur vers le chant lyrique (elle fait partie de l’Académie de l’Opéra de Paris depuis 2017). Ce rôle lui convient à merveille.
En Rodolphe, Enea Scala, vocalement très assuré, timbre clair et projection puissante en première ligne, offre un Rodolphe quasi idéal ; on pourra seulement lui reprocher un peu trop de bravoure dans un rôle qui nécessite aussi tendresse et amour. Nul doute qu’au fil du temps son interprétation s’affinera et qu’il n’aura aucun mal à s’imposer totalement dans ce rôle.
 
La Musette de Lucrezia Drei est parfaite, joli minois et belle voix, mutine à souhait mais qui sait aussi prendre le ton dramatique qui sied à l’ultime acte de la Bohème pour prier la madone alors que Mimi se meurt. Alexandre Duhamel campe, lui, un solide Marcel tant physiquement que vocalement avec, à ses côtés, d’idéaux compagnons que sont Régis Mengus, Schaunard, et Alessandro Spina, Colline. Au rang des comprimari, Antoine Garcin est un Benoit benêt à souhait et Jean-Luc Epitalon un Alcindoro dont la ramure est aussi conséquente que celle d’un rêne appelé à tirer le chariot du Père Noël … Toujours préparés avec soin par Emmanuel Trenque, les choristes de l’Opéra de Marseille apportent leur précieux concours à une production à découvrir en streaming à partir du 31 décembre.
 
Michel Egéa

Puccini : La Bohème – Marseille, Opéra. Première et captation le 20 décembre 2020. La vidéo sera mise en ligne le jeudi 31 décembre à 17h sur marseille.fr et opera.marseille.fr et demeurera disponible jusqu’au samedi 30 janvier.
 
Photo © Christian Dresse

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