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Kit Armstrong au Festival de La Vézère – Il n’y a pas que le piano dans la vie !

L’été aura offert aux mélomanes français pas mal d’occasions d’écouter Kit Armstrong dans des répertoires très diversifiés, des virginalistes anglais à Ligeti. Peu avant de s’envoler pour une tournée japonaise avec point d’orgue coréen (du 24 août au 2 septembre), le pianiste américain se produit une dernière fois dans l’Hexagone, le 16 août au Festival de la Vézère, en compagnie de l’Orchestre d’Auvergne, mené par Guillaume Chilemme, dans des ouvrages de Bach et Mozart.

Surdoué ? Le mot est faible pour décrire un musicien né en 1992 à Los Angeles et qui a débuté l’étude du piano et de la composition dès l’âge de 5 ans, tout en trouvant le temps de mener des études scientifiques ; elles l’auront conduit jusqu’à un Master en mathématiques fondamentales à Paris VI en 2012 – presque un hobby !

© Gesine Born
 
Peut-être plus compositeur que pianiste
Repéré par Alfred Brendel, observateur attentif de son évolution depuis une douzaine d’années, Armstrong a accompli une partie importante de sa formation à la Royal Academy of Music de Londres à partir de 2004. Parmi les professeurs fréquentés dans cet établissement, Benjamin Kaplan est celui qu’Amstrong cite immédiatement. Un exemple de vie pour le gamin qu’il était, «un être totalement dédié à la musique. Sa philosophie était très motivante ; il avait la capacité de rendre faciles les choses difficiles – tout est possible, il suffit de trouver le bon chemin.»
Parallèlement au piano, le jeune artiste travaille aussi – et avec non moins d'enthousiasme – la composition avec Paul Patterson, Christopher Brown et Gary Carpenter. « Peut-être suis-je même plus compositeur que pianiste », glisse celui qui ne voue franchement aucun culte à l’instrument piano et adore jouer de l’orgue. D’ailleurs dans l’église d’Hirson (au nord-est de l'Aisne), qu’il a achetée et transformée en salle de concerts, K. Armstrong rêve d’en faire installer un un jour ...

© June

Conversation avec le passé
Appartenir à la grande tradition classique ou s’en éloigner ? Armstrong revendique l’ancrage dans la tradition ; il raffole de la musique ancienne. « Toute la musique née depuis l’invention de la notation est aujourd’hui accessible, s'émerveille-t-il, huit siècles de musique ... ; une opportunité qui ne s’est jamais encore présentée dans l’histoire ; cette connexion – cette conversation – avec le passé, c’est à nous, compositeurs, d’en profiter. »
Les auteurs de la période élisabéthaine attirent tout particulièrement Kit Armstrong. Par sa tradition chorale très vivace, l’Angleterre a maintenu le lien avec les Byrd, Tallis et autre Gibbons ; la curiosité d’Armstrong ne pouvait passer à côté de cet héritage. D’autant que parmi ses professeurs à la Royal Academy, le pianiste sud-africain Daniel-Ben Pianaar – auteur d’un enregistrement intégral de la musique pour clavier de Gibbons –  a su éveiller la curiosité de son élève. « Le contrepoint de Gibbons est meilleur que celui de Bach », lui lance-t-il un jour, stimulant sa réflexion. «Pour Bach, remarque Armstrong, surtout dans ses œuvres tardives, le contrepoint est destiné à créer de l’expression et ne fonctionne pas selon les règles ; il s’agit d’un contrepoint presque expressionniste. Pour admirer du contrepoint pur, il faut écouter Palestrina ou la musique de la Renaissance anglaise. ».
L'amour de Kit Armstrong pour la musique des virginalistes n’aura d'ailleurs pu que renforcer sa complicité avec Alfred Brendel, qui incluait volontiers des pages de ceux-ci dans ses premiers récitals.

Brendel, l’homme et le musicien
Depuis leur rencontre en 2005, l'Américain rend souvent visite à son célèbre aîné. « Nous nous sommes vus il n’y a pas très longtemps, nous travaillons les Sonates de Mozart. Il m’a dit une fois au sujet de ces œuvres que, comme vous le savez, il a enregistrées tardivement : « il ne faut pas attendre trop longtemps ... » Apport essentiel en tout cas que celui d’un mentor chez qui Armstrong « n’arrive plus à séparer le musicien de la personne, de son intérêt pour l’art en général et de sa passion pour la littérature » - des grands classiques jusqu’au dadaïsme. « Quand on écoute ses enregistrements et que l’on connaît l’homme Brendel, on est vraiment frappé par le rapport entre sa façon d’interpréter et ses autres centres d’intérêt. »

© Neda Navaee

Un Concerto pour percussions en création
Presque plus compositeur que pianiste ? L’attrait d’Armstrong pour la création vient de s’illustrer avec la création d’un Concerto pour percussions et grand orchestre. L’ouvrage s’ajoute à un catalogue qui n’a cessé de s’étoffer depuis la Chicken Sonata pour piano solo de 1998 – l’Opus 1 d’Armstrong. Fruit d’une commande du Festival de Mecklenburg-Vorpommen, le Concerto pour percussions y a été donné les 22 et 23 juillet par Alexei Gerassimez et le Konzerthausorchester Berlin (dirigé par Shiyeon Sung), une formation pour laquelle Armstrong a d’autant plus volontiers écrit qu’il la connaît bien et la retrouve régulièrement depuis leur première rencontre en 2012 lors d’une grande tournée en Angleterre.
Pour l’heure c’est l’Orchestre d’Auvergne, entraîné par son Konzertmeister Guillaumme Chilemme, que Kit Armstrong s'apprête à côtoyer –  pour la toute première fois –, le 16 août au Festival de la Vézère, dans le Concerto en ré mineur BWV 1052 de Bach et le 14e Concerto KV 449 de Mozart. La Suite « La Lyra » de Telemann et la Sérénade pour cordes n° 2 de Fuchs complètent le programme.

Alain Cochard
(Entretien avec Kit Armstrong réalisé le 13 juillet 2017)

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Kit Armstrong, piano / Orchestre d’Auvergne, dir. Guillaume Chilemme
Œuvres de Telemann, Bach, Mozart, Fuchs
16 août 2017 – 20h
Clergoux – Domaine de Sédières
www.festival-vezere.com/2017

Site officiel de Kit Amstrong : www.kitarmstrong.com

Photo © Neda Navaee

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