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Kazuki Yamada et l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo aux Théâtre des Champs-Elysées – Au temps des Ballets Russes - Compte-rendu

Invités de la série « TranscenDanses » de Théâtre des Champs-Elysées, les Ballets de Monte-Carlo ont fait le voyage accompagnés de l’Orchestre Philharmonique du Rocher et de leur directeur musical, Kazuki Yamada (photo). Quelques jours avant de prendre place dans la fosse pour accompagner le spectacle « En compagnie de Nijinsky », les musiciens monégasques étaient sur scène pour un concert à la mémoire des Ballets Russes naissant.
La salle de l’avenue Montaigne fut inaugurée en avril 1913, mais dès 1909 la fantastique entreprise menée par Diaghilev avait commencé, au Châtelet et à l’Opéra de Paris. C’est à Garnier que Shéhérazade de Rimsky-Korsakov fut donnée dans une chorégraphie de Fokine, le 4 juin 1910, là aussi que quelques jours plus tard, le 25 juin, Fokine, lui encore, signa L’Oiseau de feu. Gabriel Pierné était à la baguette pour la création de la première commande des Ballets Russes à Stravinsky. Trois ans plus tard, son Sacre du Printemps fit le bruit que l’on sait (le 29 mai 1913) dans un Théâtre des Champs-Elysées flambant neuf, éclipsant celle des Jeux de Debussy peu auparavant (le 15 mai, Nijinsky à la chorégraphie, Pierre Monteux à la direction).

Shéhérazade, Jeux, Suite de L’Oiseau de feu (version 1919) : le Philharmonique de Monte-Carlo est en terre de connaissance avec un programme qui s’ouvre par la plus célèbre partition d’orchestre de Rimsky-Korsakov. Kazuki Yamada accentue les contrastes et joue une carte très visuelle, avec des effets de zoom qui peuvent parfois un peu bousculer l’équilibre général. On n’en est pas moins séduit par l’engagement du propos, la sève (vraie merveille que Le jeune prince et la Princesse !) d’une interprétation qui bénéficie des interventions du violon solo très pur et lumineux de David Lefèvre.

Ce dernier cède la première place à sa collègue Liza Kerob pour la seconde partie. La modernité de Jeux a pu être prétexte à des conceptions excessivement intellectuelles et froidement analytiques ; il n’en est rien sous la baguette d'un chef qui ne perd pas un instant de vue la dimension chorégraphique et le prétexte très... sensuel de l’ouvrage de Debussy. Lyrisme n’est pas à priori le terme qui vient immédiatement à l’esprit lorsqu’on évoque Jeux ; c’est pourtant celui qui s’impose au terme d’une exécution foisonnante de vie et en tout point admirable.
Toujours très narrative, tantôt rutilante tantôt féerique (remarquable Berceuse), la Suite (1919) de L’Oiseau de feu conclut le programme par un bel hymne à la couleur orchestrale, prolongé au moment du bis par la Danse finale du Tricorne de Manuel de Falla, que Kazuki Yamada emporte de la plus jubilatoire façon.

Alain Cochard

Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 5 février 2019

Photo © Marco Borggreve

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