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Karita Mattila, Mikko Franck et l’Orchestre Philharmonique de Radio France – Poésie vécue – Compte-rendu

L’annonce, le 1er février, de la prolongation du mandat de Mikko Franck à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Radio France jusqu’en 2022 est une excellente nouvelle ! Quelques jours auparavant, l’Auditorium de la Maison Ronde a été le cadre d’un concert (inscrit dans le cours d’un week-end thématique « sur les rivages de la Baltique ») qui soulignait la belle entente entre la phalange parisienne et son directeur musical.
Mikko Franck © Christophe Abramowitz / Radio France

Programme aussi original que séduisant. Franck maîtrise comme personne les arcanes de l’idiome sibélien ; on en avait déjà eu une preuve éloquente en fin d’année passée avec une 2ème Symphonie toute tendue vers la modernité (couplée avec une « Pathétique » de Tchaïkovski non moins convaincante). Tapiola ouvre la soirée : magistrale alliance de lisibilité et mystère. Si l'ultime opus symphonique de Sibelius est assez fréquemment donné, il n’en va pas de même, hélas !, pour l’extraordinaire Luonnotar, chef-d'oeuvre trop méconnu.

Radio France a fait les choses en grand en invitant Karita Mattila (photo) - qui a d'ailleurs signé un bel enregistrement de l'ouvrage, sous la direction de Sakari Oramo, il y a près d’une quinzaine d’années. Corps et âme, la soprano investit la pièce, portée par le geste fluide et narratif de son compatriote et, se jouant des difficultés, sait caractériser chacune des strophes, douceur implorante ici, véhément emportement là, jusqu’à sa conclusion étoilée. Une merveille de poésie vécue, à laquelle le public réserve un triomphe mérité. Il ne boude pas – moi non plus – le « Ah, perfido » qui suit, plein d'ardeur. Reste que cette parenthèse beethovénienne fait un peu figure de cheveu sur le potage baltique. En présence d'une telle chanteuse, quel dommage de ne pas avoir plutôt joué la carte de la cohérence musicale et opté pour trois ou quatre mélodies de Sibelius – ce n’est pas le choix qui manque !

Coup d’essai, coup de maître d’un Chostakovitch de 19 ans, la 1ère Symphonie trouve en Mikko Franck un interprète rêvé. Ce je-ne-sais-quoi de narquois dans le mouvement initial, la prestesse grinçante du Scherzo ou la troublante ambiguïté du Lento attestent de la plus juste compréhension d’une partition qui – côté tutti autant que dans le solos – montre un Philhar en très belle forme. La magnifique – mais guère complaisante – acoustique de l’Auditorium la met on ne peut mieux en évidence.

Alain Cochard

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Paris, Auditorium de Radio France, 21 janvier 2017

Photo © Karita Mattila © Lauri Eriksson

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