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Julien Chauvin dirige la recréation de Chimène ou Le Cid d’Antonio Sacchini à l'Arcal – Un long fleuve intranquille

Grand succès de la saison 2014-2015, l’Armida de Haydn programmée par l’Arcal dans une mise en scène de Mariame Clément a contribué à révéler les remarquables dispositions de Julien Chauvin (photo) pour l’univers lyrique (1). Ce geste, ce souffle, ce sens du théâtre, Catherine Kollen, directrice de l’Arcal, a souhaité en faire profiter à nouveau le public en impliquant le jeune chef et son Concert de la Loge dans un spectacle qui permet à la compagnie de théâtre lyrique et musical de concrétiser le projet longtemps caressé d’une coproduction avec le Centre de Musique Baroque de Versailles.

Chimène ou Le Cid d’Antonio Sacchini (1730-1786) donc ... « Nous avons cherché l’œuvre la plus adéquate, explique Julien Chauvin, regardé du côté de Grétry, de Piccini (dont J. Chauvin a dirigé un très bel Atys, ndr), finalement le choix s’est porté sur Chimène ou Le Cid (1783), deuxième opéra français de Sacchini (sur un livret de Nicolas-François Guillard). Il fait immédiatement suite à Renaud, de 1783 lui aussi, et précède de peu Dardanus (1784). Le thème du Cid tombait à pic car C. Kollen souhaitait travailler avec Sandrine Anglade et il se trouve que celle-ci a mis en scène Le Cid de Corneille en 2013. »

Avec la production bientôt présentée à Saint-Quentin-en-Yvelines (13 et 14/01), l’ouvrage de Sacchini fait l’objet d’une véritable recréation. Une nouvelle édition de la partition a été réalisée afin de restituer au mieux une musique qui « illustre les derniers feux de la Tragédie lyrique selon J. Chauvin. Soutenu par Marie-Antoinette, Sacchini vient à Paris après le départ de Gluck et reprend un peu le flambeau de ce dernier contre Piccini. Il est Italien, mais a mené une carrière européenne et a déjà abordé à deux reprises le thème du Cid, au début de la décennie 1760 puis de la suivante. A Paris depuis 1782, il entreprend donc Chimène ou Le Cid avec un bagage autrement plus important et, à quelques points de détail près, il s’approprie très bien la prosodie française. On découvre une sorte de long fleuve intranquille ; on navigue entre des récits accompagnés, très dramatiques et très bien écrits – aspect de l’art de Sacchini qui a d’ailleurs beaucoup contribué à sa réputation  – , des ariosos, quelques airs da capo, mais très peu car on ne se situe pas dans la tradition italienne, des chœurs, importants dans le 2ème acte (les Chantres du Cmbv participent au spectacle, ndr). Les trois actes totalisent un peu plus d’une heure et demie et nous avons décidé de les donner d’une seule traite, sans rien couper, hormis un ballet vers la fin du dernier acte. »

Sacchini possède « un style très à part, selon le chef, même si on se situe à la période classique on ne peut absolument pas comparer avec Mozart et Haydn. » Julien Chauvin, Sandrine Anglade et toute l’équipe qui les entoure se sont attaché à restituer au mieux « une musique que l’on ne peut comprendre que si on l’aborde avec les yeux du théâtre ; on passerait à côté en se contentant d’une approche purement mélodique. L’ouvrage de Sacchini renvoie à la tradition des acteurs-chanteurs de l’Académie Royale : l’émotion que suscite le texte est primordiale ; la connexion entre geste théâtral et geste musical essentielle. Il importe de coller au tempo du texte français – qu’il est impossible d’alanguir sans devenir indigeste. »

Sandrine Anglade © DR

D’où un important travail pour trouver la juste respiration d’une partition dont l’écriture orchestrale montre un auteur d’abord soucieux d’efficacité dramatique. Celle-ci devrait bénéficier des options de Sandrine Anglade, qui a décidé de placer les instrumentistes sur scène. « L’interaction entre chanteurs et musiciens apporte une grande énergie sur le plateau », s’enthousiasme J. Chauvin, impatient de faire entendre l’ouvrage de Sacchini. « Chimène est la seule protagoniste féminine et dispose d’un rôle magnifique, souligne-t-il. » On y trouvera la soprano polonaise Agnieszka Slawińska, aux côtés d’Artavazd Sargsyan (Rodrigue), Enrique Sánchez-Ramos (Le Roi de Castille), Matthieu Lécroart (Don Diègue) et Jérôme Boutillier (un héraut d’armes).

Mais l’année ne fait que commencer et bien des projets attendent Julien Chauvin et ses troupes. Le Wigmore Hall de Londres les reçoit bientôt (28/01) pour un concert avec Karina Gauvin, une partenaire de prédilection. Durant les premiers jours de février, c’est à leur prochain disque que le chef et ses musiciens de consacreront. La Symphonie « La Poule » de Haydn est déjà en boîte et il s’agira de la compléter par le 17ème Concerto de Mozart, avec le merveilleux Justin Taylor au pianoforte, et une étonnante Symphonie en ré mineur de Marie-Alexandre Guénin - ouvrage que l’on a pu savourer en octobre dernier à l’Auditorium du Louvre.   
             
Après les reprises du Sacchini à Massy (14/03) et Herblay (25 et 27/03), il sera temps pour les interprètes de se rendre au Festival Misteria Paschalia de Cracovie (15/04) pour le Stabat Mater de Boccherini – à 125 mètres sous terre dans le cadre de la fameuse église de sel de Wieliczka ! –, avant de s’envoler pour une grande tournée en Amérique Latine (Pérou, Chili, Brésil, Colombie) avec Philippe Jaroussky.  

A peine rentrés, c’est une fois de plus à l’exploration d’une partition oubliée, Phèdre (1786) de Jean-Baptiste Lemoyne (1751-1796), que J. Chauvin et ses troupes se dédieront au Théâtre de Caen (27 et 28/04), dans un mise en scène signée Marc Paquien. Le spectacle sera repris à Paris, aux Bouffes du Nord (8, 10 et 11/06), lors du du 5ème Festival Palazzetto Bru Zane. Et ce ne sera là que le commencement d'une tournée qui passera par le Bolchoï en 2018.

Julien Jauvin n’en oublie pas pour autant la musique de chambre. Au sein du Quatuor Cambini-Paris, il poursuit l’intégrale des quatuors de Haydn au Théâtre de Caen (1er avril et 6 juin) et on le retrouve avec ses trois collègues dès le 11 février, au Palazzetto Bru Zane de Venise, dans un programme Gounod-Méhul. C’est là un prélude à l’enregistrement des quatuors de Gounod a paraître lors du bicentenaire de l’auteur de Mireille en 2018. Mais dès à présent (sortie commerciale le 3 février), chez Aparté(1), on peut se régaler du programme « A Madame, divertissement pour Adélaïde » où le violon J. Chauvin rivalise de charme, d’élégance et de tendre lyrisme avec le clavecin d’Olivier Baumont dans des pièces de Simon, Dauvergne, Rameau, Guignon et Cardonne. Un vrai délice !

Alain Cochard

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(Entretien avec Julien Chauvin réalisé le 29 décembre 2016)
 
(1) www.concertclassic.com/article/armida-de-haydn-lopera-de-massy-intelligence-theatrale-compte-rendu
(2) 1 CD Aparté AP138

A. Sacchini : Chimène ou Le Cid 
13 et 14 janvier 2016 – 20h30
Saint-Quentin-en-Yvelines – Scène nationale
www.theatresqy.org/saison/spectacle/chimene_ou_le_cid.htm

14 mars 2016 – 20h
Massy – Opéra

25 et 27 mars 2017
Herblay – Théâtre Roger Barat 
 
www.arcal-lyrique.fr/spectacle/chimene-ou-le-cid/

Photo Julien Chauvin © Franck Juery

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