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Jetzt de Nitschke et What next ? de Carter à l’Opéra de Montpellier - Contrastes contemporains - Compte-rendu

Double événement au Corum de Montpellier avec une création mondiale et la première française de What Next ?, opéra d'Eliott Carter créé à Berlin en septembre 1999 sous la direction de Daniel Barenboim. On ne pouvait imaginer écart esthétique plus large.

Avec Jetzt, Mathis Nitschke sollicite toutes les ressources de l'immense salle de l'Opéra Berlioz. En plus du bandonéon, du violoncelle et de la contrebasse électroniques, l'informatique musicale métamorphose les chœurs et en disperse les échos, dans une ambiance de grand-messe propagandiste. Le livret de Jonas Lüscher – si tant est que l'on peut appeler ainsi l'indigeste tissu verbal pseudo-philosophique aux relents heideggeroïdes, en allemand évidemment car cela fait plus profond – n'y est pas étranger.

Pour autant, on ne peut rester indifférent à l'efficacité avec laquelle le compositeur tire parti d'un matériel musical somme toute sommaire. La fascination procurée par une esthétique répétitive que l'on croirait empruntée à Philip Glass se trouve décuplée par une puissance rythmique rare qui n'a rien à envier à Carl Orff. Peu économe en moyens sans doute, ce que la sombre mise en scène de Urs Schönebaum, gourmande en espace et en boîtes de carton a bien compris, l'ouvrage s'avère incontestablement gratifiant pour les interprètes – en premier lieu les masses chorales admirablement préparées par Noëlle Gény – et le public.

Tout le contraire de What Next ?, plaisanterie sans concession du fringant nonagénaire qu’était alors Eliott Carter. Sur un plateau incliné, les six personnages rescapés d'un accident de voiture sur la route d'un mariage évoluent au gré d'une intrigue minimaliste découpée en numéros. Le fourmillement de l'écriture musicale recouvre un statisme qu'une certaine avant-garde théâtrale connaît bien. Si la conception épurée de la scénographie prend ses aises sur le vaste plateau, elle polit la lisibilité de l'esprit et de l'humour de l'ouvrage. Sans doute, Carl Christian Bettendorf et l'Orchestre national de Montpellier Languedoc-Roussillon sont-il moins à l'aise avec la complexité chambriste de la partition de Carter que dans les scansions de Jetzt.

D'une pièce à l'autre, les solistes font preuve d'un admirable engagement. On retiendra le solide baryton Marco di Sapia, aux côtés des sopranos Susan Narucki et Sarah Wolfson. Si Martina Koppelstetter fait un contralto idiomatique, Gilles Ragon compense par la clarté de sa diction un matériau vocal abîmé. Mentionnons enfin Josué Toubin-Perre, soliste de l'Opéra Junior, à qui reviennent les dernières paroles de la soirée : « What Next ? ». Comme une question à la postérité après ces deux courts opéras.

Gilles Charlassier

Nitschke : Jetzt / Carter : What Next ? –Montpellier, Opéra Berlioz, 30 novembre 2012

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Photo (What next) : Marc Ginot
 

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