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Jean-Guihen Queyras – Daniel Klajner, une rencontre attendue

Les habitués de l’Opéra de Bastille savent les mérites de Daniel Klajner, que l’on a eu a plusieurs reprises l’occasion d’entendre dans la fosse du grand vaisseau (la dernière fois, en octobre 2003 dans une somptueuse Bohème – partition révélatrice s’il en est des qualités d’un chef !). Le jeune maestro suisse est en revanche moins connu des amateurs de musique symphonique. Directeur musical de la ville de Würzburg depuis quatre ans, Klajner excelle tout autant en ce domaine et l’on guette avec beaucoup de curiosité sa première rencontre avec l’Orchestre de Paris dans un programme entièrement dédié à Dvorak – centenaire oblige.

Outre Carnaval et la Symphonie du Nouveau Monde, Klajner dirige le Concerto pour violoncelle de Dvorak avec Jean-Guihen Queyras (photo ci-dessus) en soliste. L’impatience est grande aussi de retrouver ce musicien exceptionnellement riche et complet ! Les onze années pendant lesquelles il a étroitement collaboré avec l’Ensemble Intercontemporain ont installé dans certains esprits l’idée d’un « spécialiste de musique contemporaine ». Queyras ne renie certes aucunement son goût pour ce répertoire, mais il ne s’y cantonne aucunement ! Le Concerto de Dvorak qu’il interprète bientôt, aussi bien que l’exceptionnel enregistrement des concertos pour violoncelle de Haydn qu’il signe en compagnie du Freiburger Barockorchestrer(1) ou les concerts de musique de chambre qu’il donne souvent avec ses amis Andras Staier et Daniel Sepec attestent sa curiosité et son ouverture d’esprit.

Le dialogue que le violoncelliste a eu avec des compositeurs d’aujourd’hui à l’Intercontemporain lui a beaucoup apporté. « J’étais un musicien plutôt introverti », avoue J.G. Queyras en se souvenant d’une époque vécue « au cœur de la musique contemporaine ». « J’admirais les grands concertos déclamés, tel celui de Dvorak, mais leur langage ne m’était pas très naturel. Le travail avec les compositeurs m’a aidé à me libérer vis à vis d’une pudeur extrême, en découvrant leurs besoins profonds, les raisons essentielles de leur création . J’ai compris que l’extériorité peut aller de pair avec l’authenticité. On peut avoir des sentiments profond et les déclamer, se donner à fond. »

« J’ai évolué », avoue celui que s’apprête à attaquer le Concerto de Dvorak en compagnie de Daniel Klajner – qu’il côtoie d’ailleurs là pour la première fois.
Outre le concert aux côtés de l’Orchestre de Paris, l’actualité de Jean-Quihen Queyras prend également une forme discographique. Les concertos de Haydn et le Concerto de Monn qu’il a enregistrés pour Harmonia Mundi font l’unanimité de la critique et démontrent la curiosité d’un violoncelliste qui reconnaît avoir beaucoup appris du milieu baroque et de l’interprétation à l’ancienne.

Passionné par la musique et les interprètes baroques dès son enfance du fait de l’intérêt que ses parents portaient à ce mouvement, le violoncelliste a toutefois effectué ses études auprès de maîtres attachés à la tradition et puis, vers sa vingtième année, il s’est mis à « tâter du boyau », comme il s’en souvient avec humour. « Très déroutante au départ », cette démarche lui a beaucoup appris du fait de « la rapidité d’émission, la clarté harmonique (dans les doubles cordes en particulier) qui caractérisent l’exécution sur boyau ». « Elle m’a permis de me libérer des pesanteurs de la tradition ; de structurer mon interprétation tant au niveau structurel que sonore ».

J. G. Queyras en récolte incontestablement les fruits dans les concertos de Haydn. « Ce qui fait leur force, remarque-t-il, c’est leur fébrilité, leur virtuosité ébouriffante, une fragilité que l’on ne retrouve que sur le boyau. Il faut être en permanence au bord de l’abîme dans ces concertos, un peu à la manière d’un funambule sur sa corde ». On ne saurait mieux résumer l’esprit d’une version qui fait déjà date !

Alain Cochard

Orchestre de Paris, Théâtre Mogador, mercredi 26 mai – 20h.

(1)Harmonia Mundi HMC 901816.

Photo : DR
 

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