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Javier Camarena au Festival Castell Peralada 2018 – Soirée éclatante ; avenir radieux – Compte-rendu

Cette année encore le Festival Castell Peralada offrait une exceptionnelle concentration de ténors : pas moins de quatre et parmi eux, une légende, Plácido Domingo, reconverti parmi les barytons mais ténor pour l'éternité, une star internationale, Jonas Kaufmann, un enfant du pays, Josep Bros, et un futur grand, le Mexicain Javier Camarena. Tout auréolé de son triomphe au Met en Idreno (Semiramide) cette saison et applaudi en 2017 au Liceu en Tonio de La Fille du régiment, ce dernier a donc donné son premier récital au festival, dans l'église del Carme aménagée pour permettre aux caméras de la télévision publique de retransmettre la prestation en direct sur la RTVE. Exigeant et sortant des sentiers battus, le programme de ce virtuose aux moyens exceptionnels a enthousiasmé les festivaliers.

La première partie consacrée à Manuel Garcia (1775-1832)  était un hommage à l'interprète, un ténor comme lui, mais également au compositeur et au professeur/impresario, en outre père et mentor de Maria Malibran et de Pauline Viardot. Entre l'air de Ferrando « Tradito, schernito » exécuté avec élégance et celui de Ramiro « Si ritrovarla io giuro » chanté avec la virtuosité requise – deux rôles abordés par Garcia – Camarena a souhaité faire découvrir une page de Niccolò Antonio Zingarelli (1752-1837), un air à vocalises confié à Romeo dans Giulietta e Romeo, ainsi que trois autres de la main de Garcia. Si l'extrait de La mort du Tasse en français « Mais que vois-je ? Vous dont l'image... » n'est pas inoubliable, le suivant (en espagnol) « Hernando desventurado » issu d’El gitano por amor, avec sa redoutable cabalette demandant sûreté technique et extension vocale, a séduit l'auditoire, tandis que celui d'El poeta calculista, moins spectaculaire mais d'agréable facture, s'écoutait avec intérêt.

Débutée par l'air d'Arturo « A te o cara » d’I Puritani – rôle dans lequel Javier Camarena est attendu au Liceu de Barcelone en octobre prochain (1) –, tout spécialement dédié à la mémoire de Carmen Mateu, fondatrice du festival décédée en début d'année, la seconde partie consacrée aux grands succès du bel canto s'est avérée d'un très grand niveau. Avec « Languir per una bella », le ténor a confirmé ses affinités avec l'écriture rossinienne, doux alliage de souplesse, de legato, de sfumature, et d'inventivité dans la bravoure, autant d'éléments présents dans cet aria, même si le tempo de « Contenta quest'alma » a été autrefois pris plus vite et plus ornementé encore par Rockwell Blake notamment.

Plus que Tonio et ses ut lancés tels des javelots, avec le sourire et sans le moindre effort, le point d'orgue de la soirée a été l'air d'Edgardo dans Lucia di Lammermoor : magnifiquement timbrée, la voix de Camarena s'y est montrée à son meilleur l'interprète sensible et impliqué trouvant matière à émouvoir et à recréer l'atmosphère mortifère et désolée si précieuse à ce finale, particulièrement bien accompagné, comme tout au long de ce récital, par le pianiste Ángel Rodríguez. Extrêmement sympathique, s'adressant avec naturel et spontanéité aux auditeurs le ténor, visiblement heureux, a généreusement offerts six bis, dont l'irrésistible « Danza » de Rossini impeccablement prononcée, la mélodie de Bellini « Vaga luna che inargenti », ainsi que la très belle chanson d'amour de Maria Riber « Te quiero mucho », chantée avec une suavité et un sens du spectacle qui montrent combien l'éventail musical et artistique du Javier Camarena est large et lui promet un radieux avenir.

François Lesueur

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Festival Castell Peralada (Catalogne), église del Carme, 27 juillet 2018
 
(1) www.liceubarcelona.cat/ca/temporada-2018-2019/opera/i-puritani
 
Photo © javiercamarena.com

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