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Jacques Lacombe dirige Le Roi Arthus de Chausson à l’Opéra national du Rhin - « « Un opéra fondamentalement français »

Faste début d’année pour les amateurs de raretés lyriques françaises. Après la renaissance remarquée des Barbares de Saint-Saëns à Saint-Etienne il y a peu et tandis que l’Opéra de Tours s’apprête à donner Bérénice de Magnard, l’Opéra national du Rhin programme Le Roi Arthus d’Ernest Chausson (1855-1899), un ouvrage auquel ce dernier travailla de 1886 à 1895 et que Jean Gallois définit comme « la clef de voûte de toute la production du musicien. Œuvre méridienne par excellence, où viennent se prolonger et fondre toute les acquisitions du passé, où germent aussi tous les futurs développements », ajoute l’auteur de l’unique et admirable monographie en langue française consacrée à Chausson (1).

 L’OnR a confié au metteur en scène Keith Warner une nouvelle production montée avec le concours d’Andrew Schroeder dans le rôle-titre, entouré d’Elisabete Matos (Genièvre), Andrew Richards (Lancelot), Bernard Imbert (Mordred), Christophe Mortagne (Lyonnel), Arnaud Richard (Allan), Nicolas Cavallier (Merlin) et Jérémy Duffau (Le Laboureur). Atout de taille, un fin connaisseur du répertoire français, Jacques Lacombe, dirige l’Orchestre symphonique de Mulhouse pour une série de sept représentations à partir du 14 mars.

Si ce Roi Arthus marque ses débuts à l’Opéra national du Rhin, le chef québécois n’est toutefois pas en terre totalement inconnue car, à l’époque où il était poste à Metz à l’Orchestre de Lorraine, il a eu l’occasion d’assister à des opéras dans la capitale alsacienne. Terre inconnue, la partition du Roi Arthus le demeure en revanche pour de nombreux mélomanes.
Situer l’ouvrage dans le panorama de l’opéra français de la fin du XIXe siècle ? « Avec le recul, nous avons la possibilité de mieux mettre en perspective les influences subies par Chausson, alors qu’au moment de la création de l’ouvrage à Bruxelles en 1903 on avait tendance à fortement insister sur l'influence de Wagner, constate Jacques Lacombe. Par-delà celle-ci, je remarque une très grande filiation avec César Franck dont Chausson a été l’élève. Franck est un musicien que j’affectionne particulièrement ; ayant été organiste dans une ancienne vie, j’ai beaucoup fréquenté ses œuvres. Au bout du compte, Le Roi Arthus reste un opéra fondamentalement français, entre autres par son langage harmonique, son raffinement, ce plaisir de la beauté du moment, beauté presque plastique. »

«Etant donné que Chausson n’a pas vécu assez longtemps pour entendre son œuvre, des questions restent en suspend concernant l’équilibre entre le plateau et l’orchestre et cela exige un gros travail de préparation sur la partition, poursuit Jacques Lacombe. Sur le plan dynamique il faut s’attacher à alléger, à contrôler ; à faire en sorte qu’après avoir atteint un sommet dramatique on puisse rapidement redescendre afin de laisser passer le plateau. L’une des grandes qualités du Roi Arthus reste la mise en musique du texte. Chausson était un homme de grande culture, il a beaucoup appris chez Massenet en matière de prosodie et il importe de préserver cet aspect. »

« Autre point, qui peut constituer quelque chose de très stimulant pour les interprètes, Chausson, contrairement à certains confrères n’est pas très précis dans ses indications, notamment en matière de tempo. Ce qui est appréciable dans une expérience telle que celle de la production qui se monte à l’Opéra du Rhin, c’est que nous disposons du temps suffisant – les répétitions ont commencé le 4 février - pour se poser des questions, pour expérimenter l’agogique de chaque phrase. Autre caractéristique de la partition, on trouve peu de grandes phrases mélodiques ; la musique est très intimement liée au texte et on remarque une grande liberté de la structure musicale dans les rôles de Lancelot et Genièvre ; cela demande à être travaillé de façon attentive. »

Souffrant, Franck Ferrari a été contraint de déclarer forfait pour le rôle d’Arthus. L’Opéra du Rhin a heureusement pu faire face à ce désistement, l’Américain Andrew Schroeder étant disponible. « Un baryton magnifique à la diction impeccable, se réjouit le chef, et qui, de surcroît, a beaucoup chanté le rôle-titre – entre autres à Bruxelles au milieu des années 2000. Il l’a même enregistré sous la direction de Leon Bostein. »(2)

Après Le Roi Arthus, Jacques Lacombe repartira de l’autre côté de l’Atlantique, où de nombreux projets l’attendent cette saison (il est directeur musical du New Jersey Symphony Orchestra et de l’Orchestre symphonique de Trois-Rivières). Mais la saison prochaine offrira le bonheur de le retrouver en Europe, pour trois productions lyriques à Berlin et une Lady Macbeth de Msensk à Monaco.
 
Alain Cochard (propos recueillis le 14 février 2014)
 
(1) « Ernest Chausson », Fayard - 1994
(2) pour le label Telarc
 
 
Chausson : Le Roi Arthus
Opéra national du Rhin
Les 14, 16, 18, 21, 25 mars 2014
Strasbourg – Opéra
Les 11 et 13 avril 2014
Mulhouse - La Filature
www.operanationaldurhin.eu
 
Photo © DR

NB : Le Roi Arthus fera son entrée au répertoire de l'Opéra de Paris la saison prochaine (Opéra Bastille, du 16 mai au 14 juin 2015), dans une mise en scène de Graham Vick et sous la baguette de Philippe Jordan. Le jeune maestro prend là le relai de son père Armin qui, on s'en souvient, a défendu avec ferveur l'opéra de Chausson dans un enregistrement réalisé en 1985 pour Erato.

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