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I Capuleti e i Montecchi de Bellini à la Bastille ; pour Juliette seulement

Dans les très chics décors de Michael Levine, avec ses costumes tous droits sortis des portraits du Bronzino, la mise en lumière de Carsen – qui oserait parler de mise en scène – a souffert d’une absence totale de direction d’acteur pour cette reprise d’une production crée – déjà ! – en 1996. Les deux seules idées du spectacle, appliquées au chœur, le carnage au ralenti sur la scène tournante à la fin du I, et au II, après la catalepsie de Juliette, les relevailles émues des ennemis morts au combat et se donnant l’accolade, sont demeurées intactes, heureusement.

La rumeur avait annoncé des débuts tonitruants à Daniella Barcelona pour sa première prise de rôle à la Bastille. Ils le furent : impossible d’imaginer pire malcanto ! Justesse improbable, vocalises savonnées, aigus à l’arraché, graves poitrinés, on n’a pas croisé de Roméo plus vulgaire et dont la voix soit aussi peu naturellement destinée à l’écriture Bellinienne. Un Giovanni Furlanetto aphone compensait par la prestance l’autorité qui manquait à son timbre délavé, le Tebaldo de Tito Beltram, héroïque mais décidément loin de toute technique belcantiste, faisait juste illusion, alors que le Lorenzo de Parodi étonnait par la profondeur du timbre et la subtilité de la composition dramatique.

Il semblait bien le seul à ne pas se retrouver abandonné à lui-même par un metteur en scène absent et un chef d’orchestre, Bruno Campanella, dont la routine sans grâce pollue tout le répertoire belcantiste à Paris depuis trop d’années (alors qu’attendent des pointures comme Allemandi et que Zedda est si rarement invité). Car même Juliette se limita aux gestes signalétiques de son rôle (le risible duo d’amour au I), mais si l’on fermait les yeux, alors Ruth Ann Swenson retrouvait la grâce Bellinienne en des pianos parfaits, une intonation cristalline, des ornements émouvants. Pour elle surtout, vous pouvez tenter l’expérience de cette reprise bien médiocre.

Jean-Charles Hoffelé

Première de la reprise de I Capuleti e i Montecchi de Bellini, Opéra Bastille, le 2 février 2004.

Photo : Eric Mahoudeau
 

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