Journal

Guillaume Tell de Grétry à Liège - Spirituel et rafraîchissant - Compte-rendu

D’origine liégeoise mais parisien d’adoption, André-Modeste Grétry (1741-1813) fut aussi célèbre que Gluck ou Mozart à la charnière des XVIIIe et XIXe siècles. On doit au directeur de l’Opéra Royal de Wallonie, Stefano Mazzonis di Pralafera, par ailleurs metteur en scène, d’avoir remis à l’honneur son Guillaume Tell (créé à Paris en 1791) et signé un spectacle monté en coproduction avec le Palazzetto Bru Zane.

Le propos volontiers humoristique de l’Italien jette un regard rafraîchissant sur une œuvre dont le tragique n’est pourtant pas exclu. La scénographie de Jean-Guy Lecat installe une Suisse de carte postale avec montagnes, chalets, vaches, costumes folkloriques, un authentique cheval et un chien couleur locale - un Berger blanc suisse ! Les décors mobiles manipulés par des machinistes habillés en marins, comme le voulait la coutume, dynamisent le propos, et l’intervention de marionnettes (une grande spécialité liégeoise !) lors du combat entre les occupants autrichiens et les soldats helvètes fait mouche.

Rien ne manque à cette panoplie avec archet, flèches, pomme, cor des Alpes, comme le veut la légende édifiante de Guillaume Tell. Les dialogues du livret de Sedaine sont actualisés et dits avec un accent suisse si accusé qu’ils déclenchent souvent l’hilarité. Constitué d’interprètes belges, le plateau témoigne d’une belle homogénéité tant sur le plan vocal que théâtral. La prestation de Marc Laho est à la hauteur des exigences du rôle-titre. Timbre vaillant, justesse d’intonation ; le ténor entre en sympathie avec l’incarnation d’Anne-Catherine Gillet en Madame Tell qui suscite l’émotion et se montre d’une virtuosité étincelante dans son grand air. A leurs côtés, Lionel Lhote campe le méchant Gessler, envoyé de l’Empereur, avec une profondeur et un cynisme désarmant. Les autres solistes participent à la réussite de la production : la fine Natacha Kowalski (fils de Guillaume Tell), la rayonnante Liesbeth Devos (sa sœur Marie) et son fiancé, le jeune Melktal de Stefan Cifolelli. Dans le rôle de chef de village, Patrick Delcour donne de Melktal père l’image très suggestive d’un résistant à l’oppression.

A la baguette, Claudio Scimone, 79 ans, conduit avec sûreté et élégance l’Orchestre, les Chœurs et la Maîtrise de l’Opéra Royal de Wallonie. Homme d’expérience, il sait rendre toute la fraîcheur et la simplicité d’une œuvre sans prétention qui recèle de bons moments de musique pure et de jolies trouvailles orchestrales.

Après avoir ouvert sa saison avec Stradella de César Franck, l’Opéra Royal de Wallonie la referme en beauté avec une partition d’un autre enfant du pays. Une occasion est actuellement offerte de faire plus ample connaissance avec le compositeur qui fit évoluer l’opéra-comique français avant Rossini : jusqu’au 20 octobre se tient à Montmorency (où mourut Grétry en 1813) une exposition intitulée « Grétry, de l’Opéra-Comique à l’Ermitage de Jean-Jacques Rousseau » (1). Un complément de choix pour honorer sa mémoire à l’occasion du bicentenaire de sa disparition.

Michel Le Naour

(1) Musée Jean-Jacques Rousseau de Montmorency : http://museejjrousseau.montmorency.fr

Grétry : Guillaume Tell - Liège, Théâtre Royal, 15 juin 2013

Saison 2013-2014 de l’Opéra Royal de Wallonie : www.operaliege.be/fr

> Vous souhaitez répondre à l’auteur de cet article ?

> Lire les autres articles de Michel Le Naour

Photo : Jacques Croisier
 

Partager par emailImprimer

Derniers articles