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Geneviève de Brabant d’Offenbach à l’Opéra de Montpellier – Raté – Compte-rendu

Pour une fois qu’une maison d’opéra osait programmer un Offenbach autre que les quelques titres éternellement rabâchés du grand Jacques, on se mettait en route pour Montpellier heureux et curieux de découvrir la Geneviève de Brabant que Valérie Chevalier a confiée à Carlos Wagner. Las ! quand ça ne veut pas, ça ne veut pas ; quand c’est raté, c’est raté !
La faute sûrement à l’« injection » de quelques numéros, tirés de la version originale en deux actes de 1859, dans la deuxième version en trois actes de 1867, qui bouleverse l’équilibre général et l’écoulement naturel de la partition, mais surtout à la réécriture-actualisation-transformation d’un livret que Carlos Wagner a entreprise avec le concours actif d’un Benjamin Prins particulièrement peu et mal inspiré.
 
Sans se ranger le moins du monde dans le camp des pisse-froid et des bégueules - on assez souvent dit dans ces colonnes combien la gauloiserie, bien comprise et amenée, d’une compagnie telle que Les Brigands peut faire mouche -, on ne peut qu’être consterné par la poussive vulgarité dans laquelle s’enlise cette Geneviève de Brabant. Bon sang de bois !, fichez un peu la paix aux livrets, cessez de parier sur la supposée ignorance du public face aux références à l’actualité du Second Empire, a-t-on envie de crier aux « réécriveurs » de tout poil. Ne fût-ce que parce que le français de l’époque de Napoléon III avait une autre gueule que celui du temps des « écrivaines », des « auteures » et des interviouveurs armés de leur sempiternel «est-ce que ? » !
 
La place principale de la ville de Curaçao en Brabant remplacée par le jardin du pavillon d’un lotissement (il reste dix lots à vendre !) ; la liberté - prise avec l’argument totalement loufoque de Crémieux et Tréfeu - consistant a imaginer que l’enfant loué par Isoline est en fait celui de Geneviève : passerait encore, mais ces jeux de mots et calembours miteux, ces situations entre le dessous de la ceinture et le ras du sol, non ! Le clou de spectacle, si l’on peut dire, étant la statue de Charles Martel affublée... d’une burqua rose pivoine... Et allez donc !
 

© Marc Ginot
 
Tous cela tombe des mains, du public, tièdissime, comme d’une équipe qui donne souvent l’impression d’avoir bien du mal à s’engager pleinement dans cette cafouilleuse affaire. Fidèle à son habitude, Valérie Chevalier a pourtant assemblé une distribution pleine d’atouts : la Geneviève de Jodie Devos, toujours aussi fraîche et lumineuse, le sémillant Drogan de Valentine Lemercier – vrai délice que son « air du pâté » ! -, le Vanderprout de Kévin Amiel, un peu sur la réserve toutefois, le Golo fourbe et complètement à l’Ouest de Jean-Marc Bihour, le Sifroy haut en couleur d’Avi Klemberg, l’Isoline sexy de Diana Higbee, le duo Pitou-Grabuge de Henguerrand de Hys et Philippe Ermelier, la Brigitte de Sophie Angebault, le Narcisse boy scout de Thomas Morris ou encore Méline Gros pour le gamin Arthur, qu'il n'était toutefois pas nécessaire d'hystériser à ce point.
A la tête des musiciens de l’Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon, Claude Schnitzler semble vouloir compenser par la finesse de sa direction la lourdeur de la proposition scénique. Cela ne saurait suffire...
 
Il en va de la vie des théâtres comme du reste : des hauts, des bas... Après l’audacieux et merveilleux doublé L'Hirondelle inattendue/L’Enfant et les sortilèges et une Turandot de grande tenue, on oubliera vite cet Offenbach. Vivement le spectacle Puccini/Weill (Il Tabarro/ Royal Palace) que Marie-Ève Signeyrole met en scène en juin sur la scène de l’Opéra-Comédie !
 
Alain Cochard

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Offenbach : Geneviève de Brabant – Montpellier, Le Corum, 18 mars 2016.

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