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François-Xavier Roth et les Siècle au Musée Guimet – Les couleurs du rêve – Compte-rendu

Au printemps 1851, Berlioz fut envoyé à l’Exposition universelle de Londres par le gouvernement français afin de participer à une commission chargée des instruments de musique. Séjour qui permit au compositeur de découvrir les pavillons – et les sonorités – exotiques de ladite Exposition. Prenant prétexte de cette rencontre sonore de Berlioz avec l’Asie, le Festival Berlioz de la Côte-Saint-André (dont le directeur, Bruno Messina, n'est jamais en panne d'intelligentes inititatives) et le Musée Guimet ont eu l’idée d’un week-end musical : « Guimet invite Berlioz ». François-Xavier Roth (photo) et ses Siècles le concluaient par un concert sur le thème « L’Asie entendue à Paris au temps d’Emile Guimet.(1)
© Mnaag Paris - Nicolas Alpach

Avec son acoustique plutôt instable et les statues entre lesquelles les musiciens doivent se loger (en position debout pour tous ceux qui le peuvent), la Cour khmère du Mnaag n’est sans doute pas un lieu idéal pour la musique. Mais cela n’aura pourtant en rien entaché le bonheur d’y découvrir un programme aussi original que séduisant, puisé dans ce répertoire français où les Siècles se meuvent comme des poissons dans l’eau.
C’est peu dire lorsqu’on entend l’ouverture de la Princesse jaune( 1872) de Saint-Saëns dont Roth sait aviver les couleurs pour en traduire la force évocatrice. Après la réussite du Timbre d’argent, on aimerait tant que le chef et ses troupes puissent donner dans son intégralité ce petit bijou lyrique « japoniste » en un acte ...

Asie rêvée ...  Les couleurs du rêve sont bien là, distillées avec tact, infiniment délicates, qui viennent sertir la belle voix de la soprano colorature Dongmin Lee dans les quatre Poèmes Hindous (1912) de Maurice Delage. Des pages raffinées auxquelles fait suite l’air «Le Jour sous le soleil béni » de Madame Chrysanthème d'André Messager (1893), servi par la souplesse de ligne et la richesse de timbre de la jeune Coréenne – on comprend que des liens privilégiés se nouent entre Les Siècles et la chanteuse.

© Nicolas Alpach

Passionné par l’Asie, Emile Guimet pratiquait aussi la composition en amateur. A preuve Taï-Tsoung, opéra inspiré de la vie de l’empereur chinois, que le public marseillais entendit au mitan des années 1890. Rien d’impérissable sans doute dans l’Ouverture (2) de l’ouvrage – en cinq actes, s’il vous plaît ! –, mais Roth et ses musiciens ne prennent pas pour autant la chose à la légère ; le soin qu’il apportent à cette pièce roborative et contrastée en fait un vrai moment de plaisir.
On ne boude pas non plus celui procuré par le mix que Roth a réalisé entre des pages chorégraphiques des actes 3 et 4 des Troyens de Berlioz, toutes défendues avec un grand sens des timbres, ou, chez Ravel, par une Laideronette impératrice des pagodes frémissante de poésie.

Place enfin à un autre maître coloriste, Delibes – au rôle souvent sous-estimé dans le cours de l’histoire musicale –, avec des extraits de Lakmé : les Airs de Danse pour l’orchestre (bravo à la flûte dans le n° 2 !), « Les Fleurs me paraissent plus belles » et l’inoxydable « air des clochettes » pour la voix : Dongmin Lee rafle la mise, par la justesse de son intonation certes, par son charme et sa musicalité surtout.
Un beau moment d'exotisme sonore : puisse cette entrée de la musique à Guimet ne pas rester sans suite !

Alain Cochard

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(1) Emile Guimet : 1836-1918
(2) L'ouverture de Taï-Tsoung est éditée chez Leduc

Paris, Musée Guimet (Cour khmère), 4 novembre 2017

Photo © Mnaag Paris - Nicolas Alpach

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