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Florian Noack en récital aux Flâneries musicales de Reims 2018 – Un poète en terre russe – Compte-rendu

Diversité des genres, des générations : Jean-Philippe Collard, directeur des Flâneries musicales de Reims, est resté fidèle à ses excellentes habitudes lors d’une édition 2018 où les jeunes interprètes occupaient une place de choix. Parmi eux, Florian Noack (28 ans) est déjà connu des mélomanes et vient de signer un magnifique disque « Album d’un voyageur » (La Dolce Volta) – objet d’un « Disque de la Semaine » dans nos colonnes il y a peu (1). Partagé entre des pages originales et des transcriptions (de la main de F. Noack), ce programme se révèle tout à l’image d’un interprète parmi les plus singuliers de la nouvelle scène pianistique européenne.
 
Chaque récital du jeune pianiste belge est une invitation à l’inattendu : le rendez-vous qu’il donne au public des Flâneries ne déroge pas à la règle et c’est par la création de sa transcription de la Symphonie « Classique » de Prokofiev que Noack ouvre la soirée. Une fois de plus le répertoire russe – tellement propice à l’expression de sa riche palette sonore – attire un transcripteur qui se montre attentif à l’essence d’un ouvrage dont le passage au clavier n’en compromet pas la transparence, pas plus qu’il n’en altère l’esprit (que de grâce chorégraphique dans le Larghetto et la Gavotte !). Encore quelques réglages sur l’Allegro et le Final  – toute transcription est une forme de work in progress – et la « Classique » prendra sa place dans le catalogue, déjà long, des arrangements de l’artiste.
 
Depuis un bon moment déjà, Florian Noack promène en concert les Variations sur un thème de Chopin de Rachmaninov et montre un rare degré de maîtrise et de compréhension de ce cycle mal aimé. L’Opus 22 (1902), qui suit de près le Concerto n° 2 (terminé en 1901), correspond donc à la sortie de la crise d’impuissance créatrice qui paralysait le compositeur depuis l’échec de sa 1ère Symphonie en 1897. Les successives métamorphoses et la transfiguration du thème (le 20e des Préludes op. 28 du Polonais) reflètent la victoire sur soi remportée par Rachmaninov ; le pianiste explore les entrelacs de cette sombre partition avec une autorité et un sens polyphonique admirables.

Retour à la transcription en conclusion avec la Suite que Noack a tirée de la Shéhérazade de Rimski-Korsakov – sûrement sa plus belle réalisation à ce jour. Couleur, souffle, onirisme, sens de l’image : toute l’essence de l’original vibre sous les doigts d’un formidable virtuose certes, mais surtout d’un pur poète. Les secondes de silence qui suivent l’extinction de la dernière note en disent long sur l’intensité du moment vécu par les auditeurs rémois ... Leur bonheur se prolonge avec, en bis, Gunhilde, arrangement (par Noack) d’un des Deutsche Volkslieder WoO33 de Brahms, et une valse de l’Op. 145 de Schubert.
 
L’été de Florian Noack ne fait que commencer et, après un passage par le Festival Classique au port de La Rochelle le 23 juillet, le Festival de la Roque d’Anthéron l’attend, le 6 août, avant qu’il ne retrouve à la rentrée le Festival Piano en Valois d’Angoulême (10 octobre), puis le Festival L’Esprit du Piano de Bordeaux (20 novembre, à deux pianos avec Jean-Paul Gasparian), deux manifestations découvreuses qui l’ont révélé au public français il y a bien des années déjà.
 
Alain Cochard

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Reims, Auditorium du CRR., 6 juillet 2018  // www.flaneriesreims.com
 
(1) www.concertclassic.com/article/album-dun-voyageur-par-florian-noack-1-cd-la-dolce-volta-le-disque-de-la-semaine-compte
 
 
Festival Classique au Port :
 www.classiqueauport.fr/florian-noack
 
 
Festival de la Roque d’Anthéron :
 www.festival-piano.com/fr/programme/artistes/florian-noack.html

© Danilo Floreani

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