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Fidelio au Grand Théâtre de Genève - Sans incandescence – Compte-rendu

Considéré par Beethoven comme « l’enfant de la douleur », Fidelio, par son caractère ambivalent, synthèse de l’art lyrique entre singspiel et opéra romantique, tient toujours de la quadrature du cercle. Au Grand Théâtre de Genève, le chef Pinchas Steinberg est à la manœuvre, tenant à bout de bras l’Orchestre de la Suisse Romande, insufflant l’énergie, le dynamisme et le sentiment d’urgence qui font le plus souvent défaut sur scène.
 
Décors très contrastés de Raimund Orfeo Voigt : en fond de scène un écran géant de surveillance d’une prison flambant neuf type Guantanamo, au centre l’intérieur domestique de Rocco puis la cage d’où sortiront les prisonniers ; au second acte un immense cratère de terre où gît, enchaîné, Florestan. Matthias Hartmann signe une mise en scène où les protagonistes paraissent parfois perdus, comme livrés à eux-mêmes dans leurs gestes banals et stéréotypés au sein d’un immense espace nu.
 
 

© GTD / Carole Parodi

De la distribution se détache le Rocco très humain d’Albert Dohmen dont l’assurance, la présence, la qualité du timbre et l’expérience théâtrale l’emportent haut-la-main. Sans démériter, la Russe Elena Pankratova incarne une Leonore massive à la voix large et puissante, assez monolithique, qui ne joue pas assez sur les nuances du personnage et ses états d’âme. Assez bouleversant, christique, Christian Elsner montre pourtant bien des faiblesses sur le plan du chant et son Florestan peine parfois à exprimer toutes ses souffrances ou l’exaltation au moment de sa libération. Le Don Pizarro de Detlef Roth ne réussit jamais à imposer l’image d’un méchant par ses limites vocales. Prestations remarquées de Günes Gürle en Don Fernando, de Manuel Günther en Jaquino, et surtout de l'agile Siobhan Stagg en Marzelline, d'une fraîcheur de ton printanière. Le Chœur du Grand Théâtre de Genève préparé par Alan Woodbridge participe activement à l’action et donne le meilleur de lui-même dans le final très enlevé. Pourtant, le plaisir est surtout dans la fosse pour cette dernière production de la saison.
 
Michel Le Naour
 
Beethoven : Fidelio - Genève, Grand Théâtre, 18 juin, prochaines représentations les 23 et 25 juin 2015 / www.geneveopera.ch

Photo © GTD / Carole Parodi

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