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Festival Salines en musique – Au bonheur des chambristes – Compte-rendu

L’imagination et la générosité ont toujours présidé à l’esprit du festival Salines en Musique qu’organise Anne-Marie Réby depuis 2010 dans des lieux de mémoire du Revermont jurassien. Ces sixièmes Estivales en apportent une nouvelle fois la preuve tant la qualité des concerts le dispute à l’engagement de chacun des participants.
 
Dans l’église d’Aresches, village qui domine Salins-les-Bains, honneur aux cordes avec la Sonate n° 2 pour violon seul « Obsession » d’Ysaÿe exécutée avec fougue, vélocité et clarté polyphonique par Tedi Papavrami sur son Stradivarius Le Reynier (1727). Dédiée à Rostropovitch, la Suite n° 1 pour violoncelle de Britten trouve en Xavier Phillips (un disciple du maître russe) un passeur idéal qui sait dégager toute la substance d’une composition aux humeurs contrastées entre classicisme, humour décalé et référence au Cantor de Leipzig. L’austérité de la Sonate pour violon et violoncelle de Ravel bénéficie de l’approche expressive de Tedi Papavrami et Henri Demarquette (photo) qui prennent à bras le corps et transfigurent cette partition à l’intériorité prenante.

Au terme du dernier concert (de g. à dr.) : Emmanuel Strosser, Anne-Marie Réby, François-Frédéric Guy, Henri Demarquette, Tedi Papavrami et Xavier Phillips © Charles de Carlini
 
Face au superbe retable baroque de la Salle Notre-Dame de l’église désaffectée de Salins-les-Bains, Miguel da Silva, Henri Demarquette et Emmanuel Strosser font vibrer la musique de Brahms aussi bien dans la Sonate pour alto et piano n° 1 aux couleurs mordorées que dans celle pour violoncelle et piano n° 2 d’une plénitude sonore frémissante. Le fantasque Trio pour alto, violoncelle et piano op. 114 possède souplesse d’intonation, lyrisme à fleur de peau et perfection de la ligne sous les doigts ou les archets de ces chambristes confirmés.
 
Le lendemain, au sein de la Villa Palladienne de Syam, puis des Anciennes Ecuries du domaine, place à deux Schubertiades de haute volée. Emmanuel Strosser ouvre le ban sur un Bechstein 1920 avec les trois Klavierstücke opus posth., très finement interprétés, puis s’associe à François-Frédéric Guy dans la Fantaisie en fa mineur pour piano à quatre mains. Les deux artistes en livrent une lecture complice, à la fois passionnée et teintée de mélancolie.
Après un buffet champêtre convivial, la soirée schubertienne se poursuit avec quatre lieder transcrits pour violoncelle et piano, où Demarquette témoigne d’une élégance supérieure. Même sentiment dans la Sonate « Arpeggione » : par la qualité de l’intonation et l’ampleur de la respiration, Miguel da Silva s’élève sur les cimes aux côtés de François-Frédéric Guy, tandis que, la nuit venue, le Trio pour violon, violoncelle et piano op.100 rime avec émotion, mystère et rêve éveillé grâce à la connivence entretenue par Tedi Papavrami, Xavier Phillips et Emmanuel Strosser.
 
Accueillie avec ferveur par un public fidèle et nombreux ainsi que par les partenaires institutionnels de la manifestation, cette édition 2015 est sans conteste à marquer d’une pierre blanche.
 
 
Michel Le Naour
 
Aresches, Salins-les-Bains, Syam, 18 et 19 juillet 2015
 
Photo © Charles de Carlini

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