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Festival Itinéraire baroque en Périgord Vert – Des voix et du basson - Compte-rendu

Avec son essaim de concerts dans les églises du Périgord Vert, « Itinéraire baroque » propose chaque dernier week-end de juillet depuis douze ans un kaléidoscope de talents et de répertoires. Le parcours de cette cuvée 2013, entre Verteillacois et Ribéracois, offre bien entendu une tribune au clavier. Outre la traditionnelle ouverture par Ton Koopman, à l’orgue de Saint-Privat-des-Prés, mêlant Sweelinck et Buxtehude à Frescobaldi et Cabanilles, Jan Kleinbussink fait résonner celui de Saint-Sulpice de Roumagnac avec Bach et ses élèves Krebs et Homilius. Ce dernier se montre digne successeur de son maître dans les deux chorals en trio Der am Kreuz ist meine Liebe et Hilf, Herr Jesu, lass gelingen dont la polyphonie est rendue avec souplesse par un orgue hollandais de 1968, surdimensionné pour l’acoustique des lieux cependant.

Héritage également avec le programme que l’Accademia dei Dissonanti donne à Faye. Le trio a rassemblé des partitions à l’attribution parfois douteuse parmi la filiation du Cantor de Leipzig, mais non moins savoureuses pour autant. Ainsi du Pedal-exercitium, ex BWV 598, arrangé pour basson seul. Xavier Zafra va au-delà de la simple transcription et fait ressortir l’étonnante carrure du registre grave qui imite à s’y méprendre le pédalier de l’orgue. Quant à la Pastorale pour hautbois, basson et basse continue en la mineur, dont on ne sait si elle est de Carl Philipp Emanuel ou de Wilhem Friedemann, elle surprend par des modulations audacieuses et mélancoliques, à partir d’un thème pourtant relativement commun. C’est d’ailleurs cette hétérogénéité qui en fait l’originalité et le prix – bel exemple d’étrangeté que goûte particulièrement le Sturm und Drang. Egalement en trio, les Fantasticus font résonner à Combéranche Rameau, Leclair et Marin Marais avec son hypnotique Sonnerie de Sainte-Geneviève du Mont-de-Paris. Elégance, justesse de style, Guillermo Brachetta affirme un clavecin français fluide et avenant que le violon passionné voire autoritaire de Rie Kimera tend à recouvrir – la balance mériterait quelque ajustement.

Côté voix, Anna Zander chante à Saint-André de Double un florilège composé autour de la figure de Caccini dont le Amarilli, mia bella a fait le tour de la botte au cours du Seicento. Avec une rigueur sans faille – au prix d’un sérieux parfois excessif – Mayumi Kamata accompagne au clavecin la mezzo suédoise qui compense par la perfection de sa diction et son timbre suave une personnalité assez pâle. Réserve que l’on ne saurait formuler à l’encontre de Camille Poul (photo), seul gosier authentiquement lyrique de cet Itinéraire. Son récital Haendel à Bourg-du-Bost, aux côtés des musiciens de l’ensemble Les Cyclopes, révèle une remarquable musicalité et un sens de l’effet consommé. En témoignent l’intériorité de «Se non giunge » (Filli adorata e cara HWV 14), la vivacité du « Non v’alletti un’occhio nero » (Della guerra amorosa HWV 102B), ou encore la concision un peu abrupte du « Cara mura » (Ah ! che pur troppo è vero HWV 77). Déjà entendue sur les scènes de Lille, Dijon, Versailles ou Besançon, la soprano française semble prédestinée aux planches.

Ce que Faye Newton, stéréotype de voix droite, ne risque guère. A Cercles, le programme qu’elle présente avec le Caecilia Concert, met en regard la musique vénitienne du XVIIe siècle et le corpus germanique qu’elle a pour ainsi dire fécondé. Cornet à bouquin, dulcian – excellent Wouter Verschuren – l’oreille est chatoyée par ces couleurs cuivrées un peu rudes. Mais c’est incontestablement l’extraordinaire Quemadmodum desiderat cervus de Buxtehude, synthèse de spiritualité et de légèreté dansante, qui couronne la soirée, au point de constituer un bis incontournable. A midi, l’ensemble Corelli a réuni des pages tirées du - ou inspirées par - le Getreue Musik-Meister, la revue que Telemann publia à Hambourg dans les années 1720. Là encore le basson est mis à l’honneur, avec entre autres une Fantaisie en la mineur du prolifique compositeur allemand ou la plus tardive Sonate en sol mineur op 24 n°5 de François Devienne. Mais ce sont surtout les chants amoureux interprétés par Charles Daniels, secondé par le théorbe de Fred Jacobs, que l’on retiendra de la journée à Cercles. Des mélodies que Michel Lambert a adapté des plus célèbres airs de Lully, le ténor anglais en exhale le suc délicat. Sa prononciation “restituée“ accroît paradoxalement le naturel d’une expressivité fine et nuancée, également présente dans les Blow et Purcell qui concluent le récital. Un précieux moment de musique.

Gilles Charlassier

Cerces, 26 juillet ; Itinéraire dans le Verteillacois et le Ribéracois, 27 juillet 2013

Photo @ Accent Tonique – Les Cyclopes

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Photo : Accent Tonique
 

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