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Festival de Royaumont 2015, Acte I – Ouverture sous le signe de l’orgue

Changement de terminologie et de calendrier à Royaumont. Ce que l’on connaissait sous le l’appellation « saison » (et qui se déroulait de la fin août au mois d’octobre) devient à compter de cette année un « festival » divisé en deux « actes », l’un en juin, l’autre en octobre. Les 6 et 7 juin prochains, c’est autour du Cavaillé-Coll du réfectoire des moines que l’Acte I de l’édition 2015 débute avec un week-end intitulé « L’orgue, c’est un orchestre ! ». Rien de plus logique : la présence de cet instrument était, dans l’esprit d’Henry Goüin et de son épouse Isabel Goüin-Lang (sœur du pianiste François Lang, 1908-1944), un préalable indispensable aux développement des activités musicales d’un lieu qui de Foyer de Royaumont, lieu de travail et de repos pour artistes et intellectuels (inauguré en 1938) est devenu Centre culturel international de Royaumont en 1947, Cercle culturel de Royaumont en 1953, et Fondation Royaumont [Goüin-Lang] pour le progrès des Sciences de l’Homme en 1964.
 
Le cinquantenaire de la Fondation l’an dernier, a mis en lumière la richesse des activités d’une institution pluridisciplinaire, au modèle économique original, dont Francis Maréchal a assuré la direction culturelle à compter de 1977, avant d’en prendre la direction générale depuis 1985.
 
L’orgue donc. Construit en 1864 par Aristide Cavaillé-Coll, l’instrument (44 jeux sur trois claviers de 54 notes ; pédalier de 27 notes) fut initialement conçu pour le salon de la villa d’un amateur suisse, Monsieur Marracci. Acquis en 1936 par François Lang (par l’intermédiaire d’Alexandre Cellier, organiste titulaire du temple de l’Etoile et ami du couple Goüin), il fut déplacé cette même année à Royaumont. Superbement restauré entre 2002 et 2007 par Laurent Plet et Yves Koenig, il a été confié à la rentrée passée à Louis-Noël Bestion de Camboulas (photo), « organiste en résidence » de Royaumont jusqu’en 2017
 
«Une fois par mois au minimum, explique l’intéressé, je viens à Royaumont pour travailler sur l’instrument, pour rendre compte de son état, l’entretenir si nécessaire. Je ne suis pas facteur d’orgues, mais je peux donner les « premiers soins » et j’alerte si un problème plus grave se pose afin qu’un facteur intervienne.
L’intérêt est aussi de faire vivre l’instrument (1) dans un lieu où il y a beaucoup de passage (touristes, scolaires). C’est l’occasion pour les visiteurs de découvrir l’orgue, de s’approcher de la console, posée au sol, et, parfois, d’entamer la discussion avec moi. ».
 
Quel projet musical autour de l’orgue de Royaumont ? « Il été déterminé par la nature d’un orgue qui n’a jamais été un instrument d’église, précise L.-N. Bestion de Camboulas. Instrument de salon à l’origine, il est devenu un instrument de concert avec son installation à Royaumont. J’ai voulu que l’on considère cet orgue comme un instrument de chambre et que la plupart des concerts que je donne ici ne soient pas de l’orgue pur, mais en dialogue avec un ou plusieurs autres instruments ou voix, ou inséré dans un projet plus global. Un tel orgue de salon au XIXe siècle était un petit orchestre à la maison, un moyen de jouer des transcriptions d’œuvres symphoniques célèbres. Mon projet s’appuie aussi sur le lien qui s’établit naturellement avec la bibliothèque musicale de Royaumont (Bibliothèque musicale François-Lang ndr), très riche en musiques fin XIXe-début XXe siècle. »
 
Remarqué l’an dernier à Royaumont dans Harold en Italie avec François Xavier Roth et ses Siècles, Adrien La Marca sera le partenaire de Louis-Noël Bestion de Camboulas le 6 juin. Sylvie Brély, déléguée générale aux programmes artistiques et directrice artistique du programme Claviers, a contribué à réunir l’altiste et l’organiste. A l’archet comme au(x) clavier(s), l’impatience est grande de tester en public un original programme Berlioz, Liszt, Mendelssohn et Wagner !
«J’ai réalisé certaines transcriptions, explique L.-N. Bestion de Camboulas, mais pour le 2ème mouvement d’Harold en Italie j’ai fait une synthèse entre la version originale et la réduction pour alto et piano de Liszt. Nous proposons aussi une version pour alto et orgue du poème symphonique Orpheus de Liszt, dont il existe une version pour orgue seul par l’auteur et une autre par Saint-Saëns pour violon, violoncelle et piano. Je les ai confrontées afin de réaliser une adaptation pour alto et orgue. »
 
Le lendemain, la voix dialogue avec l’orgue : L.-N. Bestion de Camboulas retrouve Etienne Bazola, un complice de longue date puisqu’ils se connaissent depuis le temps des études au CNSMD de Lyon et que le baryton a participé au beau CD « Rebel de père en fils » enregistré en 2013 par l’Ensemble Les Surprises, cofondé en 2010 par L.-N. Bestion de Camboulas et la violiste Juliette Guignard) (2). Le chanteur interprète des mélodies de Fauré, Pierné, Paladilhe et Duparc pour lesquelles l’organiste est parti des versions originales avec piano. Plutôt que de transcription, il faut plutôt parler ici d’un travail de « colorisation » de sa part. Comme Alexandre Cellier (connu pour ses arrangements pour orgue d’œuvres de Debussy) avait pu le faire à l’époque d’Henry et Isabel Goüin, L.-N. Bestion de Camboulas interprétera aussi des transcriptions de pages orchestrales ou instrumentales, dont l’arrangement par Alexandre Guilmant de l'Andantino du Quatuor de Debussy, une curiosité très à sa place dans ce programme intégralement français
 
Mais ce n’est là que le commencement des projets de l’organiste. Déjà il songe à 2016 et, par exemple, à une rencontre entre différents orgues : l’instrument de Royaumont évidemment, l’orgue à bouche, l’accordéon et les instruments électroniques. A suivre …
 
Pour le moment, place à l’Acte I du Festival 2015 qui, après un premier week-end autour de l’orgue (où l’on remarque aussi le récital de Jean-Baptiste Robin, le 7 juin, sur le thème « Royaumont et l’orgue dans les années 30 »), se poursuit sur des thématiques transculturelles (« L’Art d’être ensemble ? » les 13 et 14 juin ; « Musique ? Quelle musique ? » le 20 juin ; « Composer ou recomposer ? » le 21 juin). Quant à l’Acte II (3-11 octobre), il débutera par un week-end Scarlatti qui promet de faire les délices des mordus de clavier.
Un point pratique, mais d’importance, en conclusion : que les mélomanes parisiens non motorisés ne craignent pas la trentaine de kilomètres qui les séparent de Royaumont, un système de navettes (sur réservation impérativement) performant est à leur disposition. (3)
 
Alain Cochard
 
 
(1) Dans le cadre d’un accord entre le CNSMD de Paris et Royaumont, l’instrument est également joué tous les mois par des élèves du Conservatoire.
(2) 1 CD Ambronay « Jeunes Ensembles » (AMY 303)
(3) Entre la gare de Viarmes et l’Abbaye ou, le cas échéant, pour un retour tardif sur Paris.
 
 
Festival de l’Abbaye de Royaumont 2015 / Acte 1
 
Adrien La Marca (alto), Louis-Noël Bestion de Camboulas (orgue)
Œuvres de Berlioz, Liszt, Mendelssohn et Wagner
6 juin 2015 – 15h
 
Etienne Bazola (baryton), Louis-Noël Bestion de Camboulas (orgue)
Œuvres de Fauré, Debussy, Duparc, Pierné, Paladilhe
7 juin 2015 – 15 h
 
Jean-Baptiste Robin (orgue)
Œuvres de Debussy, Lazare-Lévy, Tailleferre, Dupré, Puig-Roget, Milhaud, Messiaen
7 juin – 17h30
 
Abbaye de Royaumont – Réfectoire des Moines
 
Service réservation navette : 01 34 68 05 50
www.royaumont.com

Photo © Valerie Oberreiter

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