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Festival de Musique de Menton 2018 – Dialogue fraternel et voyage solitaire – Compte-rendu

Pour sa 69e édition, le Festival de Menton n’a pas lésiné par sur la qualité. La manifestation dont Paul-Emmanuel Thomas assure la direction artistique depuis 2012 mise comme à l’accoutumée sur une programmation de prestige. Après un concert d’ouverture haendélien réunissant Philippe Jaroussky et Emöke Baráth, un récital de Bertrand Chamayou – avec entre autres les 12 Etudes d’exécution transcendante de Liszt – et les Talens lyriques de Christophe Rousset dans Didon et Enée, le superbe parvis historique de la Basilique Saint-Michel accueillait, sous un ciel étoilé avec une vue imprenable sur la Méditerranée, le duo violoncelle/piano de Daniel Müller-Schott et Nicholas Angelich (photo), des interprètes qui se connaissent de longue date.
 
Beethoven ouvre le programme avec les 7 Variations sur un air de la Flûte enchantée WoO 46, qui témoignent d’une profonde osmose. Styliste hors pair, le violoncelliste, économe de moyens, est soutenu par la respiration d’un piano fraternel. Dans la Sonate op. 40 de Chostakovitch, très contrôlée, chacun préfère l’intériorité aux effets de manche, bien qu’Angelich fasse preuve dans le second mouvement d’une énergie rythmique servie par une virtuosité habitée. Une grande pureté sonore émane également de l’exécution de la 2e Sonate op. 99 de Brahms ; à l’archet poète, souple et élancé, répond un clavier profond et dense, toujours fusionnel. Belle leçon de musique de chambre !

Piotr Anderszewski © M.G. de Saint Venant licensed to Virgin Classics
 
Le lendemain, Piotr Anderszewski propose un voyage plutôt austère puisque J.-S. Bach (trois extraits du 2e Livre du Clavier bien tempéré, Suite anglaise n°3) se confronte à Beethoven (Variations Diabelli) dans un parcours quasi initiatique. A ce jeu de miroirs où excelle un soliste doté de moyens phénoménaux, les plaisirs de l’été paraissent bien vains, et le récital exige du public une concentration d’une rare intensité. Après un tel moment de plénitude – qui n’exclut pas un certain narcissisme artistique – seule une bagatelle de Beethoven pouvait fermer le ban. Applaudissements nourris à l’issue d’un concert qui appelle à la réflexion.
 
Michel Le Naour

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Menton, Parvis de la Basilique Saint-Michel Archange – 2 et 3 août 2018

Photo © Christian Merle

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