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Falstaff à l’Opéra Bastille - Incertitudes de première - Compte-rendu

Le Falstaff de Verdi est à l’égal des Noces de Figaro de Mozart une pure horlogerie en musique. Qu’une poussière tombe dans ses rouages et c’est mort. Hier soir, à la première de la reprise de la mise en scène de Dominique Pitoiset, des poutres tombaient. La faute d’abord à Daniel Oren dont a souvent aimé l’art dans d’autres Verdi, mais qui ici est sans esprit, imprécis jusqu’au brouillon, empêtré dans un orchestre qui n’attaque jamais. Incroyable, Falstaff qui se traîne !

A certains moments, avec en plus l’embarras de la grande scène de Bastille, l’action tombait à plat comme dans tout le premier tableau où Bardolfo et Pistola étaient à la peine dans leurs railleries, comme leur patron pour les poursuivre avec son balai. On retrouvait ce même manque de vivacité dans une forêt de Windsor (d’ailleurs réduite par le décorateur à un arbre suggéré sur un mur de briques) complètement décousue et illisible lorsque la foule vient torturer Falstaff (lequel est d’ailleurs contraint à s’immobiliser les mains lui-même ; « mi pento » certes, mais à ce point !). Mais du moins la production de Pitoiset n’élucubre pas, sagement transposée au début du XXe siècle, et elle se fera à mesure des répétitions pour redevenir ce qu’elle était : un bon travail d’artisan. D’ailleurs, modeste, le metteur en scène a laissé les bravos aux seuls chanteurs, les encourageant à saluer pour lui de la coulisse. On ne se remboursait pas complètement de cette relative déception avec la distribution. Le trio Bardolfo-Pistola-Caïus manquait de caractère, Paolo Fanale, dont on avait tant aimé le Fenton au Théâtre des Champs-Elysées, compensait une voix devenue nasale par d’habiles jeux de scène, et même suprêmement chanté, le Ford d’Artur Rucinski est de trop petit format pour Bastille. Svetla Vassileva dompte son grand instrument pour une Alice Ford pétulante mais assez courte en terme d’imagination sonore. La Meg de Gaëlle Arquez est brillante scéniquement mais son mezzo reste bien sec.

On se doute que Marie-Nicole Lemieux est une fois de plus la Mrs Quickly parfaite, qui n’en fait pas trop et laisse le velours de sa voix charmer. Admirable, autant qu’Elena Tsallagova, Nannetta stellaire, qui lance ses longues phrases parfumées avec un art du legato vocal confondant.

Et Falstaff ? Même fatigué, voire parfois en délicatesse avec la justesse, Ambrogio Maestri reste le Cavaliere du moment, prodigieux musicalement – le trillo du monologue de la Tamise, époustouflant, le décompte murmurando des douze coups de minuit où sa voix semble se voiler d’un sfumato poétique – et il est si naturellement le personnage ! Pour lui de toute façon, il faut retourner voir ce spectacle.

Jean-Charles Hoffelé

Verdi : Falstaff - Paris, Opéra Bastille, 27 février, prochaines représentations les 2, 5, 9, 12, 16, 19, 22 et 24 mars 2013
www.operadeparis.fr

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Photo : DR
 

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