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« Exit », par la Compagnie Illicite à l’Apollo Théâtre - Quête d’horizons - Compte-rendu

Il faut une irréductible envie de créer, de danser, d’exister autrement pour tenter l’aventure de Fabio Lopez, comme d’autres jeunes artistes, façon François Alu, à l’Opéra de Paris. Secouer le confort d’une carrière bien tracée et mettre tout à zéro. Pour Lopez, qui fut une des figures marquantes de Ballet Biarritz, on avait déjà remarqué son aptitude à narrer, sa gestique intéressante, et son potentiel dramatique dans le Poil de Carotte, cruel et aiguisé, que  Thierry Malandain lui avait donné l’occasion de créer à Biarritz lors du Temps d’Aimer 2016.
 
Aujourd’hui, le jeune homme vole de ses propres ailes et tout en chorégraphiant lui-même, il tente, avec sa petite compagnie, Illicite – dont on imagine qu’elle n’est que périodique, tant sont grandes les difficultés pour pérenniser ce genre de structure –, de divulguer les œuvres de contemporains auxquels il croit et qui lui paraissent en phase avec son propre univers.

Molto sostenuto © Stéphane Bellocq
 
Ainsi avec ce spectacle Exit, dont on doit dire bien haut qu’il est interprété par de formidables danseurs, et notamment la surprenante Aureline Guillot, qui fut danseuse chez Malandain et impose une silhouette forte et puissante, une présence charismatique, comme une Marie-Agnès Gillot à Paris. Mais tous les membres de ce petit groupe sont à féliciter, pour leur engagement scénique et pour leur technique irréprochable.
 On voit là qu’on n’a pas affaire à des balbutiements corporels qui se voudraient  mode d’expression. Les corps parlent, et de belle façon, notamment avec la pièce de Malandain, Entre deux, un pas de deux daté de 2011,  comme le chorégraphe aime à les construire, sous forme d’entrelacements et de conflits, sur un  rythme puisé chez Stravinski et qui allie lyrisme un peu désespéré et secousses vitales. Ambre Badin et Loïc Consalvo y ont été convaincants. Fabio Lopez lui-même, tout en affirmant une sensibilité qu’on pourrait qualifier de sombre, pour ce qu’on en connaît aujourd’hui, a su construire un très beau Molto sostenuto, sur une musique de Kabalevski, où un quatuor de danseurs dessine un parcours imaginaire aux résonances poétiques, et à la graphie parfois proche de celle d’un Balanchine.

Gravity 0° © Stéphane Bellocq
 
Deux pièces, donc, qui cimentent d’un solide langage néoclassique la tessiture du spectacle, ouvert sur l’ambitieuse Fabulous Failure d’Iker Arrue, succession un rien chaplinesque de tableaux faussement drôles, où des personnages s’entrechoquent comme des soldats de plomb, en quête d’un idéal jamais atteint. La gestique en est hélas faible, malgré quelques instants de pure séduction. Tout comme on a le droit de trouver vaine, Gravity 0°, signée Jean Philippe Dury,  tentative happening où la magnifique Auréline Guillot fait de l’équilibre dans une baignoire pour atteindre le déséquilibre et se barbouille de peinture dans une quête sûrement essentialiste dont on peut trouver qu’elle ne rime à rien et surtout  qu’elle est bien démodée.
 
Sans doute Lopez y trouve-t-il une sorte d’oxygène, comme un complément à son art très structuré et qui, par sa solidité d’écriture, promet le meilleur. On le suivra dans ses certitudes, on considérera ses dérives avec curiosité. C’est la règle du jeu d’une liberté pour laquelle se bat ce trentenaire passé par Rudra- Béjart, école des extrêmes.
 
Jacqueline Thuilleux

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« Exit » - Paris Apollo Théâtre, 3 février 2018. Prochaine représentation: Théâtre de Bayonne, 13 février 2018/ www.compagnie-illicite.com
 
Photo ( Entre deux) © Stéphane Bellocq

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