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Eric Luc à la Fondation Louis Vuitton – En demi-teinte – Compte-rendu

Quatrième Prix au Concours Chopin de Varsovie en 2015, à 17 ans, et vainqueur du Concours de Leeds en septembre 2018, le jeune pianiste américain Eric Lu est désormais l’objet de toutes les attentions : Warner Classics a d’ailleurs fait paraître il y a peu un disque Beethoven-Chopin, écho de ses épreuves à Leeds. Sur la scène de l’Auditorium Louis Vuitton, le disciple de Dang Thai Son, encore étudiant au Curtis Institute de Philadelphie auprès de Jonathan Biss et Robert McDonald, avance timidement tel un longiligne roseau pensant.

© Gaël Cornier / Fondation Louis Vuitton

Dans le Rondo KV 511 de Mozart, ses doigts paraissent se poser sur des balances en toiles d’araignée, distillant des nuances évanescentes qui, finalement, laissent peu de place au drame et à l’envers du décor, comme si l’interprète se regardait dans le miroir, s’interdisant de transmettre le moindre sentiment. C’est beau mais vide de sens. Avec les Klavierstücke op. 118 de Brahms, Eric Lu recherche l’intériorité plus que la densité sonore et malgré quelques velléités de tension dans la Ballade, le reste suit son cours, privilégiant la lenteur. Ces pages tardives finissent par devenir une expérience analytique, au détriment de la générosité brahmsienne et de la sensation nostalgique du temps qui passe.
 
La seconde partie, occupée par la Sonate « Funèbre » de Chopin, voit le soliste s’affirmer davantage. L’équilibre, le dosage des sonorités, le contrôle du toucher, le raffinement, l’art de timbrer et une assurance technique jamais prise en défaut peuvent être mis à son actif. En revanche, la perception très intellectuelle de la partition, une tendance à soupeser chaque détail nuisent globalement à l’intensité et à la prise de risques. En bis, l’Impromptu n° 3 op. 90 de Schubert, subtil, ainsi que l’Etude op. 10 n° 4 de Chopin, comme sortie d’une épreuve de concours, ne suffisent pas à pleinement convaincre sur la personnalité de l’artiste. Une relative déception.

Prochain rendez-vous pianistique à la la Fondation Louis Vuitton, le 20 mars, avec le jeune Filippo Gorini dans les Variations Diabelli.

Michel Le Naour

Paris, Auditorium de la Fondation Louis Vuitton, 18 mars 2019

Filippo Gorini, le 20 mars : www.fondationlouisvuitton.fr/fr/musique/concert/recital-filippo-gorini.html
 
Photo © Gaël Cornier / Fondation Louis Vuitton

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