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Entre prière et exorcisme - Trois questions à Thierry Pécou, compositeur

Placé au terme d’un concert Alessandro Scarlatti par l’Ensemble Les Folies françoises, la création mondiale du Miserere de Thierry Pécou, le 6 juillet, constitue l’un des temps forts des inventives Traversées de l’abbaye de Noirlac (qui se prolongent jusqu’au 20 juillet). Incursion dans le domaine des instruments anciens et de la musique religieuse : l’auteur de L’oiseau innumérable répond aux questions de Concertclassic.

Comment la collaboration avec l’Abbaye de Noirlac s’était-elle mise en place ?

Thierry Pécou : Je connais Paul Fournier, le directeur de l’abbaye de Noirlac depuis un certain temps. A la fin des années 1990, alors qu’il était en activité en Seine-et-Marne, nous avions monté un projet avec des chœurs amateurs autour de mon ouvrage intitulé L’Homme Armé. Nous nous étions un peu perdus de vue depuis. Les Folies françoises étant en résidence à Noirlac, Patrick Cohën-Akénine a évoqué mon nom pour un projet mêlant musique baroque et création contemporaine. C’est avec une grande joie que j’ai accepté d’y participer.

Est-ce la première fois que vous écrivez pour un ensemble baroque ?

T. P. : Sous cette forme-là, oui. J’ai déjà eu l’occasion d’écrire pour la viole de gambe, mais intégrée à des instruments modernes ; avec ce Miserere, c’est la première fois que j’écris pour une formation homogène, uniquement constituée d’instruments anciens. Il faut savoir faire sonner ces instruments pour ce qu’ils sont. Si l’on écrit des choses trop complexes, trop pensées en fonction des instruments modernes l’intérêt sonore n’est pas toujours pertinent. La mise en regard avec les Lamentazioni de Scarlatti m’a incité à rechercher un phrasé musical, à développer une pensée harmonique qui soient vraiment issus de la musique ancienne, tout en restant totalement contemporain évidemment. En amont de mon travail de composition, j’ai auditionné les trois sopranos qui vont créer ma partition et j’ai discuté avec Patrick Cohën-Akénine. Il y des choses connaître sur le théorbe, sur l’étendue de la touche du violon dont je n’avais pas forcément conscience au départ.

La musique religieuse n’est pas votre domaine de prédilection. Comment avez-vous abordé la composition de ce Miserere ?

T. P. : Ça n’a pas été une chose évidente pour moi et j’avoue avoir retourné le problème pendant un certains temps avec de trouver un angle d’attaque qui me convienne. Le Miserere était chanté à la fin de la Semaine sainte à l’issue des leçons de ténèbres. Dans certaines églises, jusqu’au XVIIe siècle environ, l’aspect païen se mêlait parfois à l’aspect chrétien. Il s’agissait d’un quasi-rituel d’exorcisme où l’on demandait à l’assemblée de frapper le sol avec des missels, etc. J’ai justement conçu mon Miserere entre chrétienté et rituel d’exorcisme où l’on chasse les mauvais esprits. Je retrouve là mon intérêt pour les rituels païens, voire chamaniques, mais transposés en Occident. J’ai par ailleurs écrits des liaisons musicales qui s’insèreront entre les trois Lamentazioni de Scarlatti. Ceci permet ne de pas arriver abruptement sur la création en fin de concert mais de glisser progressivement vers le XXIe siècle.

Propos recueillis par Alain Cochard, le 22 juin 2013

Les Folies françoises, dir. Patrick Cöhen-Akénine
Œuvres d’A. Scarlatti et Pécou
6 juillet 2013 – 16h30
Abbaye de Noirlac – Centre culturel de rencontre
18200 Bruère-Allichamps
Site de l’abbaye de Noirlac : www.abbayedenoirlac.com

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Photo : Guy Vivien
 

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