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Emmanuel Ceysson au 3ème Festival Palazzetto Bru Zane de Paris – Poète harpiste – Compte-rendu

Le récital de harpe n’est pas a priori l’exercice que l’on associe le plus immédiatement à une standing ovation du public. C’est pourtant ce à quoi Emmanuel Ceysson a eu droit au terme du récital donné dans le cadre du 3ème Festival Palazzetto Bru Zane, et ce n’était que justice tant le soliste y a accompli des merveilles. Le moment était important pour celui qui, Première Harpe de l’Orchestre de l’Opéra national de Paris depuis le milieu de la décennie 2000, s’apprête à quitter la phalange parisienne pour occuper à partir de la rentrée prochaine un poste similaire au Metropolitan Opera de New York.

Avant les retrouvailles avec des Etats-Unis qui ont tant fait pour démarrage de sa carrière (Médaille d’or et Prix d’interprétation au Concours international de harpe des E.U. en 2004, Premier Prix et 6 prix spéciaux aux Young Concert Artists Auditions en 2006), le harpiste (né en 1984) s’est impliqué corps et âme dans un programme français montrant toute l’étendue de son art et d’une palette expressive considérablement enrichie par la pratique de l’orchestre.
 
Galbe de la phrase, expression furtive et émerveillée, l’Impromptu-Caprice de Pierné ouvre et donne le ton d’une soirée marquée par une élégance dénuée d'afféterie. Rieuses Myrtilles, grave Léthé de Dubois et Renié. Bientôt, Ceysson se lance dans la Fantaisie sur Faust de Zabel, "scotchant" son auditoire par l’homogénéité qu’il imprime à un morceau où, sous ses doigts, la virtuosité atteint sa cible sans rien céder à l’effet facile. Du grand art.
Une châtelaine en sa tour de Fauré offre un transition toute de coloris subtils vers la Sonatine de Marcel Tournier (1879-1951), grande figure de l’enseignement de la harpe au Conservatoire de Paris à partir de 1912, dont Lily Laskine prit la succession en 1948. Sonatine ? Sous ce titre un brin académique se cache une musique impatiente, lyrique et secrète, à laquelle succèdent deux préludes pour piano de Debussy (Bruyères, La Fille aux cheveux de lin) dont l’arrangement pour harpe dévoile un visage inédit. Colorado Trail de Marcel Grandjany est emporté avec liberté et volubilité du geste, avant qu’Emmanuel Ceysson ne se fasse doublement conteur en fin de concert. D’abord pour dire de touchante façon Les Elfes, poème de Leconte de Lisle qui a inspiré à Henriette Renié (1) sa belle Légende, puis en explorant les mystérieuses et changeantes atmosphères de la pièce. Elle se mue en pur rêve sous des mains aussi inspirées. Couronnés de thym et de marjolaine/ Les elfes joyeux dansent sur la plaine
 
Alain Cochard
 
Paris, Théâtre de Bouffes du Nord, 4 juin 2014
 
 
(1) Emmanuel Ceysson vient de faire paraître un CD, enregistré avec l’Orchestre Régional Avignon Provence dirigé par Samuel Jean, où figurent le beau Concerto en ut mineur de Renié et des pièces de Dubois, Pierné et Saint-Saëns (« Belle Epoque », 1 CD Naïve V 5419)
 
 
 Photo © JC Husson

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