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« D’où rayonne la nuit » de Yoann Gasiorowski au Studio-Théâtre de la Comédie Française – Facétieux impromptu – Compte-rendu

 

« D’où rayonne la nuit » : c’est un oxymore emprunté aux Contemplations de Victor Hugo qui donne son titre au spectacle musical proposé par la Comédie Française dans le cadre du 400anniversaire de la naissance de Molière. A l’origine, il y a le toujours créatif Eric Ruf, l'administrateur général du Français, qui en a soufflé l’idée à Yoann Gasiorowski, pensionnaire de l’illustre maison depuis 2018. Plutôt que d’évoquer les musiques qui ont influencé Molière dans sa jeunesse ou pendant ses années en province avec L’Illustre Théâtre, le choix a été fait de mettre en lumière les relations artistiques entre Molière et Lully. Une décennie de collaboration prolifique, surprenante et méconnue qui s’est concrétisée par la création de onze spectacles.
 
© Vincent Pontet / coll. Comédie-Française

En une heure, « D’où rayonne la nuit » raconte avec beaucoup d’humour et un brin de pédagogie, ce compagnonnage entre les deux Baptiste qui commence dans la complicité et s’achève dans la rivalité. A l’image de L’impromptu de Versailles, le spectacle nous fait vivre la répétition d’une troupe qui prépare dans l’urgence une comédie-ballet. Du théâtre donc, illustré par beaucoup de musique : Lully évidemment, mais aussi Charpentier et Lambert. « Notre ambition, explique Yoann Gasiorowski (qui a travaillé avec Vincent Leterme pour la partie musicale) dont c’est la première mise en scène, c’est aussi que la Troupe chante des chansons du répertoire baroque. » Six comédiens jouent à la fois leur propre rôle et les membres de la troupe de Molière, passant allégrement du XVIIe siècle à nos jours. Lully est là aussi, ainsi que deux musiciens, un théorbe/guitare et une basse de violon (remarquables !).

Les comédiens ne prétendent pas avoir le métier ou la voix des chanteurs professionnels, mais plusieurs moments du spectacle sont particulièrement réussis, notamment l’air extrait de Monsieur de Pourceaugnac interprété avec beaucoup d’émotion par Elsa Lepoivre et le chœur des Trembleurs d’Isis, tableau frigorifié digne de la commedia dell’arte. Le spectacle fourmille d’anachronismes réjouissants et de nombreuses explications sont habilement amenées pour qui n’entend rien à ce drôle d’instrument qu’est le théorbe, sur les Vingt-quatre Violons du Roi, sur l’importance de la danse (irrésistible Serge Bagdassarian – photo à gauche – en Pierre Beauchamp) ou sur l’organisation des spectacles à la cour de Louis XIV. Ajoutez des costumes qui n’en sont pas – les comédiens sont en tenue décontractée du XXIe siècle – un détour par Chambord où fut créé Le Bourgeois Gentilhomme et où s’organise une fête d’un autre style musical trois-cent-cinquante ans plus tard et vous obtenez un spectacle qui aurait réjoui Molière et qui fait tomber la perruque de Lully. Grâce à la troupe de la Comédie Française, le musicien du Grand Siècle par excellence se révèle facétieux, aimant la fête et très humain.

Thierry Geffrotin

« D’où rayonne la nuit »,  Molière-Lully, Impromptu musical de Yoann Gasiorowski. Comédie-Française (Studio-Théâtre), 11 février ; jusqu'au 6 mars 2022 // www.comedie-francaise.fr/fr/evenements/dou-rayonne-la-nuit
 
Photo:  Serge Bagdassarian, Birane Ba, Elsa Lepoivre, Claïna Clavaron, Elissa Alloula ©  Vincent Pontet / coll. Comédie-Française

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