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Don Carlo de Verdi à l’Opéra national de Bordeaux - Intense et émouvant – Compte-rendu

A la suite de la défection d’Alain Lombard, souffrant, Paul Daniel, directeur musical de l’Orchestre National Bordeaux Aquitaine, a dû assurer dans l’urgence cette nouvelle production de Don Carlo (la version italienne de 1884 pour La Scala). Dans un opéra où s’entremêlent les thèmes chers à Verdi (la patrie, l’amitié, la jalousie, l’amour de la liberté, les conflits politiques et religieux…), le chef anglais impose une vision très suggestive : sa baguette aristocratique obtient des musiciens une intensité paroxystique tout en distillant d’impalpables nuances et une émotion à fleur de peau.
 
Familier des grands espaces (il est invité régulièrement aux Chorégies d’Orange), Charles Roubaud choisit l’efficacité dans sa direction d’acteur et utilise à bon escient le volume de l’Auditorium dont les murs blancs sont animés par des vidéos de Virgile Koering installant l’action dans le sombre monastère de Yuste, éclairant l’autodafé devant la cathédrale étincelante de Valladolid ou faisant apparaître furtivement la forêt de Fontainebleau en réminiscence des événements passés. Les chœurs très bien préparés par Salvatore Caputo sont astucieusement disposés sur les gradins en fond de scène ; la mise très sobre des choristes contraste avec la richesse des costumes imaginés par Katia Duflot pour les protagonistes du drame.
 

© Fréréric Desmesure
 
Au sein d’une distribution homogène se détache l’Elisabeth d'Elza van den Heever. La chanteuse sud-africaine crève l’écran par sa présence et une capacité à s’épanouir sur tous les registres de soprano profond. Face à elle, Keri Alkema incarne une princesse Eboli haletante et fébrile. Souffle puissant et galbe parfait, le Marquis de Posa de Tassis Christoyannis possède l’autorité naturelle d’un Grand d’Espagne. L’intelligence affinée de l’artiste grec se met constamment à l’écoute de ses partenaires sans jamais essayer de tirer la couverture à soi. A ses côtés, le Don Carlo de Leonardo Calmi (qui remplace Carlo Ventre, initialement prévu), vaillant et ardent, donne le meilleur de lui-même sur le plan théâtral mais force un peu ses aigus au risque de détimbrer. Adrian Sâmpetrean exprime avec force les états d’âme, la solitude et la mélancolie de Philippe II. Grand inquisiteur impressionnant de Wenwei Zhang qui impose sa noirceur et sa vocalité, sans posséder toutefois les graves abyssaux des interprètes de légende. Une production particulièrement réussie, incandescente et sans aucune baisse de tension : la saison de l’Opéra national de Bordeaux s'ouvre en beauté.
 
Michel Le Naour
 
Verdi : Don Carlo - Bordeaux, Auditorium, 24 septembre, prochaines représentations les 30 septembre et 2 octobre 2015 (sous la direction de Pierre Dumoussaud) / www.opera-bordeaux.com
 
Photo © F. Desmesure

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