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Diana Damrau et Antonio Pappano à l’Accademia Nazionale di Santa Cecilia – Meyerbeer en perspective - Compte-rendu

Toujours prompt à promouvoir la musique romantique française en France, en Italie, mais aussi en Belgique, en Autriche et au Royaume-Uni, le Palazzetto Bru Zane a eu la belle idée de fêter le 150ème anniversaire de la mort de Giacomo Meyerbeer à Rome, avec l'Orchestra dell’Accademia Nazionale di Santa Cecilia et son directeur musical Antonio Pappano.
Plus qu'un simple hommage à ce compositeur autant aimé que décrié, le concert donné à l'Auditorium Parco della Musica, avait pour mission de remettre sa musique en perspective en la confrontant à celle de ses contemporains et de montrer son évolution en puisant parmi les trois grandes périodes de sa création, grâce à la présence de la soprano Diana Damrau.

La soirée dédiée à l'un des plus anciens premiers violons de l'orchestre qui venait de mourir, débutait par une extraordinaire exécution de l'ouverture de Semiramide (Venise 1823) d'une puissance architecturale et d'un timing proprement… babyloniens.
Fortement inspiré par Rossini, Meyerbeer se rendit tout d’abord en Italie pour y créer une douzaine d'ouvrages, dont le trop rare Crociatto in Egitto (Venise 1824), où ses premières influences sont clairement contextualisées. D'une grande difficulté vocale, la longue scène de Palmide « D'una madre disperata », air en trois parties, terminé par la périlleuse stretta « Con qual gioia le catene » où s'exprime toute la complexité d'une écriture échevelée, était chantée par Diana Damrau. La cantatrice a les notes et n'esquive rien, mais comme sur certains vêtements bien coupés, les coutures, ici la technique, sont trop apparentes et l'on sentait l'effort quand on aurait dû l'oublier. L'air de Robert le diable « Robert, toi que j'aime » convenait davantage à sa nature et lui permettait de mettre en valeur une ligne plus pure et des aigus moins contraints.

De son côté Antonio Pappano cravachait ses instrumentistes comme des chevaux lancés au triple galop pour exprimer la fureur créatrice contenue dans la diabolique ouverture de Benvenuto Cellini composé par Berlioz en 1838, avant de faire voltiger l'orchestration fougueuse du jeune Wagner avec un extrait de son opéra Das Liebesverbot (1834), d'un italianisme évident.

Exécutée d'une manière datée, avec des vocalises très dures qui trahissaient un manque de souplesse et de style, le célèbre « Ombres légères » tirées de Dinorah, donné pour la première fois en 1859 à l'Opéra Comique, n’a que moyennement atteint son but, les amateurs de virtuosité restant sur leur faim, les autres ne comprenant pas l'engouement du public pour un tel exercice.

La soprano n'en est pas moins restée conquérante et pour cela nous saluerons sa performance, revenant avec la grande scène froufroutante du second acte des Huguenots « O beau pays de la Touraine », seul opéra abordé par Diana Damrau en intégralité (à Francfort en 2002), avec chœur et solistes. Si là aussi nous avons regretté l'absence de délicatesse et de moelleux dans les vocalises, chantées à la hussarde, et d'abandon dionysiaque que savaient y inscrire en leur temps Sutherland – imbattable - et Sills, ivres de trilles, d'aigus piqués et d’appogiature, nous avons malgré tout applaudi l’ardeur et la vitalité de la soliste.

Pappano et son orchestre ont fait un beau tapage pendant la Marche indienne tirée de L'Africaine, dernière œuvre de Meyerbeer (1865) jouée, comme à sa création à l'Opéra de Paris, avec une banda surpuissante, le goût pompier du compositeur qui imposa en France le concept de Grand Opéra étant enfin habilement confronté à la grandiloquente, mais passionnante ouverture de Dinorah avec choeur murmurant obligé, venant des coulisses.

En bis, Diana Damrau troquait la couronne de Marguerite de Valois pour la culotte du jeune page Urbain, avec un amusant « Nobles Seigneurs » extrait des Huguenots.
 
François Lesueur
 
Rome, Accademia Nazionale di Santa Cecilia, Auditorium Parco della Musica – 6 octobre 2014

Photo © Musacchio&Ianniello

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