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Dialogues des Carmélites de Poulenc à l’Opéra Grand Avignon – Fervente sobriété – compte-rendu

L’originalité de cette production avignonnaise (limitée à deux représentations) réside pour partie dans la mise en scène d’Alain Timár (le directeur du Théâtre des Halles d’Avignon depuis 1983) qui place la destinée de Blanche de la Force au centre de la tragédie que vont vivre les Carmélites de Compiègne. Rêve ou réalité, l’héroïne dès la fin de la première scène s’endort sur les genoux de son père et l’action se déroule sans qu’elle ne quitte jamais le plateau. Pressent-elle le drame à venir ou bien est-elle la spectatrice distanciée des événements qui se passent sous ses yeux ?

© Cédric Delestrade - ACM-STUDIO
 
Le décor, sobre (quelques chaises, des murs nus colorés…), est éclairé de manière pertinente par Richard Rozenbaum alternant ombre et lumière, tandis que les vidéos de Quentin Bonami créent un espace suggestif, en particulier au moment de l’exécution des religieuses qui tombent à terre, frappées par un éclair tranchant dans une scène dont la beauté plastique accentue la force d’émotion. Traditionnels, les costumes d’Elza Briand distinguent les religieuses revêtues de robes de bure beige des novices habillées en bleu, tandis que le Marquis de la Force est en costume de ville.
 
Ludivine Gombert peut paraître au début un peu trop opératique mais sa voix franche, légèrement vibrante, donne du corps au personnage de Blanche, jeune fille de notre temps en proie aux angoisses existentielles. Marie-Ange Todorovitch, chanteuse d’expérience en Madame de Croissy, impressionne par sa puissance théâtrale lors des affres de la mort, et Catherine Hunold en Madame Lidoine, la nouvelle Prieure, s’impose par son charisme, ses qualités d’actrice et une voix à l’intonation très contrôlée.
Légère et fine, Sarah Gouzy répond à la fragilité du personnage de Constance, et Blandine Folio-Peres, en Mère Marie de l’Incarnation, se montre glaçante suscitant l’effroi par la projection d’aigus acérés.
Les hommes laissent un peu perplexes dans cet univers féminin de haute volée. Le Marquis de la Force de Frédéric Caton se révèle assez impersonnel et Rémy Mathieu éprouve quelques difficultés à assumer le rôle du Chevalier de la Force, y compris lorsqu’il retrouve sa sœur Blanche au Carmel. En revanche, les personnages secondaires sont bien caractérisés à l’image de Romain Bockler en Officier, Geôlier et deuxième Commissaire ou encore d’Alfred Bironien en premier Commissaire. Seul Raphaël Brémard reste en-deçà de ce que l’on attend de l’Aumônier.

© Cédric Delestrade - ACM-STUDIO

L’acoustique de la structure éphémère de l’Opéra Confluence (la même que celle installée à Liège pendant la rénovation de l’Opéra Royal) ne facilite pas l’équilibre entre l’orchestre et les voix. Toutefois, la direction maîtrisée de Samuel Jean ne perd jamais le fil de la narration malgré des tempos relativement lents et chargés de sens qui donnent un sentiment de flamme intérieure et d’humanité. Les musiciens et les chœurs de l’Orchestre Régional Avignon-Provence préparés par Aurore Marchand contribuent également, par leurs interventions justes et senties, à la réussite de ce spectacle fervent et très attachant.
Quant à la suite de la programmation avignonaise, changement complet d'atmospère en mars puisque le Pays du Sourire de Franz Lehár – en version française – est à l'affiche, en coproduction avec l'Opéra de Tours).(1)
 
Michel Le Naour

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  (1) www.operagrandavignon.fr/spectacles/le-pays-du-sourire/

Poulenc : Dialogues des Carmélites - Avignon, Opéra Confluence, 30 janvier 2018

Photo © Cédric Delestrade - ACM Studio

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