Journal

Der Freischütz à l’Opéra Théâtre de Saint-Etienne - L’esprit de Weber - Compte-rendu


Après les représentations du Freischütz dans la version Berlioz à l’Opéra Comique, la coproduction due aux Opéras de Saint-Etienne et de Toulon permet un retour à l’original créé à Berlin en 1821. Dans une mise en scène à connotation champêtre de Jean-Louis Benoit et des décors de Laurent Peduzzi rappelant l’univers visuel de Caspard David Friedrich (arbres dénudés d’où s’envolera une colombe lors de la séance de tir, lune inquiétante…), ce Freischütz joue la carte de la tradition où le fantastique rejoint le populaire, sans oublier l’intimité psychologique. Cette alternance entre rêve et réalité, entre le bien et le mal, entre la virginité d’Agathe et le satanisme de Samiel ou de son suppôt Kaspar, rend bien compte de l’esprit d’une œuvre aux multiples dimensions

A la tête des Chœurs Lyriques et de l’Orchestre Symphonique de Saint-Etienne, Laurent Campellone fait flèche de tout bois (même si l’Ouverture peine à trouver ses marques). Sa direction dynamique sait trouver le ton juste, accompagner les chanteurs avec empathie et rendre le caractère vigoureux et paysan de la partition avec vivacité et tendresse. Les interventions ardues des cors témoignent du travail en profondeur accompli par le jeune chef à Saint-Etienne depuis 2004 avec une phalange en progrès constants.

L’Agathe de la soprano Barbara Ducret demeure un peu en-deçà de ce que l’on attend du rôle : si la présence est indiscutable et l’art du chant bien maîtrisé, la limpidité, la tendresse intérieure manquent à son interprétation, plus théâtrale que fluide ou transparente. L’Ännchen de Mélanie Boisvert a du piquant et une saveur de timbre d’une malice contagieuse. Trop caricatural, le ténor Gilles Ragon en Max est un amoureux prévenant dont la santé vocale n’est pas toujours sans défaut. Ce n’est le cas ni de l’Ermite impressionnant de l’Américain Scott Wilde qui transfigure le rôle au moment de son apparition à la fin de l’opéra, ni de l’Ottokar à la voix bien projetée de Bartolomiej Misiuda. Inquiétant, le Kaspar de Roman Ialcic donne vérité à un personnage manipulé par Samiel (Jean-Michel Fournereau), ludique et clownesque à la manière de Buster Keaton. Parfois, la langue allemande est mise en difficulté (en particulier dans les scènes parlées) mais l’esprit de la partition demeure et souffre peu de cet écueil.

« Et là où le diable enfonce ses griffes, on les sent vraiment ! » écrivait Beethoven, séduit par Le Freischütz. Par ce spectacle vivant et généreux, l’Opéra Théâtre de Saint-Etienne a bien répondu à l’attente.

Michel Le Naour

Weber : Der Freischütz - Saint-Etienne, Opéra Théâtre, 19 avril 2011


> Vous souhaitez répondre à l’auteur de cet article ?

> Lire les autres articles de Michel Le Naour

Photo : DR

Partager par emailImprimer

Derniers articles