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Debussy et la passion du fantastique

Claude Debussy

Construit autour du thème « Musique et Rêve », le prochain week-end Portes Ouvertes de Radio France propose, entre autres, La chute de la Maison Usher de Debussy, une partition lyrique reconstituée à partir des esquisses du compositeur.

« Pendant toute une journée d’automne, journée fuligineuse, sombre et muette, où les nuages pesaient lourds et bas dans le ciel, j’avais traversé seul et à cheval une étendue de pays singulièrement lugubre, et enfin, comme les ombres du soir approchaient, je me trouvais en vue de la mélancolique Maison Usher »…

Très tôt Debussy fit la découverte d’Edgar Allan Poe et sa passion pour l’un des maîtres de la littérature fantastique fournit une irremplaçable clé à la compréhension de son univers. Parmi les nouvelles de l’écrivain américain, La chute de la Maison Usher et Le Diable dans le beffroi exercèrent une attraction particulière sur lui.

Le 18 juin 1908, Debussy écrivait à l’éditeur Jacques Durand : « Tous ces derniers jours, j’ai beaucoup travaillé à la chute de la Maison Usher… c’est un excellent moyen d’affermir les nerfs contre toute espèce de terreur ; tout de même il y a des moments où je perds le sentiment exact des choses environnantes ; et si la sœur de Roderick Usher entrait chez moi, je n’en serait pas extrêmement surpris. » (1) Sollicité par le Metropolitan Opera de New York, Debussy venait en effet de se lancer dans un nouveau projet lyrique (la création de Pelléas et Mélisande remontait à 1902). Hélas cette entreprise qui le séduisait tant ne fut pas menée à son terme – sans doute parce que la nouvelle de Poe le touchait trop profondément ... A la mort du musicien seules subsistaient des esquisses et ce n’est que dans les années 1970 que deux musicologues américains (C. Abbate et R. Kyr) d’une part, un compositeur, organiste et musicologue d’origine chilienne (Juan Allende-Blin) de l’autre, entreprirent de les mettre en forme – le travail de Blin se révélant le plus complet et le plus convaincant.

Comme le rappelle Harry Halbreich (2), Radio France refusa à l’époque de créer la partition restituée par Blin… On fut plus curieux Outre-Rhin : la première se tint à Francfort le 1er décembre 1977 sous la baguette d’Eliahu Inbal.

Cette fois, c’est bien à Radio France que l’on pourra entendre La chute de la Maison Usher, samedi 13 mai à 20h., sous la baguette du jeune chef slovaque Juraj Valcuha à la tête de l’Orchestre National, avec les voix de Henk Neven, Annick Massis, Jean François Lapointe et Renaud Delaigue.

Alain Cochard

(1) Debussy : Correspondance (Gallimard)

(2) Dans l’analyse des œuvres en appendice au « Debussy » d’Edward Lockspeiser (Fayard)

Radio France Salle Olivier Messiaen Entrée libre

Orchestre de Besançon Rens. : 03 81 87 81 97

Photo : DR

 

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