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D’Alfredo à Pelléas - Trois questions à Sébastien Guèze, ténor

Au lendemain de la première d’une Traviata mise en scène par Andrea Breth à La Monnaie, le jeune ténor français de 33 ans, tout aussi passionné que passionnant, est venu nous parler de son Alfredo bruxellois et de sa prise de rôle, Pelléas, à Nice en janvier prochain.

Andrea Breth est connue pour ses partis pris audacieux. Comment s'est passée la collaboration avec elle ?

Sébastien Guèze : Il est certain que l'on ne s'attendait pas à une Traviata traditionnelle. Peter de Caluwe, le directeur de La Monnaie avait d'ailleurs fait des annonces dans la presse. Du coup, si un quart du public a hué cette Violetta qui finit à la rue au milieu des prostituées et des toxicomanes, le reste de la salle a adhéré. Mais ce qui m'a séduit dans son approche, c'est l'évolution du personnage d'Alfredo, trop souvent cantonné dans une psychologie un peu falote. Au début, il arrive tout timide, c'est juste s'il ne se laisse pas manger sur l'épaule, mais à la fin de la fête chez Flora, il est très remonté et se montre prêt à en découdre avec Douphol avant que son père arrive et le gifle pour le calmer. Cette idée de baston vient d'ailleurs de nous : Andrea s'est montrée très attentive à nos suggestions et nos impressions.

Dans un registre très différent, vous allez bientôt chanter votre premier Pelléas à Nice. Comment le préparez-vous ?

S. G. : J'entends déjà les puristes s'indigner d'un Pelléas ténor. Mais comme pour chacun des rôles que je prépare, j'aime faire des recherches. Dans sa partition originale qu'il jouait au piano dans les salons pour la faire connaître et convaincre de la monter, Debussy avait pensé le rôle pour ténor, avant qu'il ne voie en Jean Périer, qui était baryton, l'interprète idéal. Il a alors adapté la partie de Pelléas. Puis l'œuvre a connu sa première représentation hors de France, à La Monnaie à Bruxelles en 1907, et Edmond Clément a voulu aménager certains passages, sans l'aval de Debussy. Le compositeur, mécontent, a alors demandé à rencontrer le ténor pour mettre au point les alternatives, ou ossias, nécessaires – une centaine de notes. En fin de compte Clément n'a pas assuré les représentations. Ensuite Debussy a réalisé une version considérée comme définitive et qui est presque toujours celle qui est jouée dans les théâtres. C'est celle qui sera donnée à Nice, où l'oeuvre n'a pas été présentée depuis de nombreuses années. Avec un Pelléas ténor, elle prendra sans doute des accents plus lyriques qu'à l'accoutumée.

Quels sont vos projets ?

S. G. : Nadir à l'Opéra du Rhin au printemps. Je suis très attaché au répertoire français, surtout romantique, que j'essaie de défendre. J'ai par exemple déjà fait Lodoïska de Cherubini, Andromaque de Grétry, même si c'est un peu antérieur. J'ai l'idée d'un enregistrement d'airs, pour moitié plus ou moins connus, l'autre complètement oubliés. Il y a de véritables merveilles que j'aimerais faire découvrir.

Propos recueillis par Gilles Charlassier le 5 décembre 2012

Verdi : La Traviata
Les 9, 11, 13, 15, 18, 21, 23, 27, 29, 31 décembre 2012
Bruxelles – La Monnaie
www.lamonnaie.be

Debussy : Pelléas et Mélisande
Les 15, 17 et 19 janvier 2013
Nice – Opéra
www.opera-nice.org

Site officiel de Sébastien Guèze : www.sebastiengueze.com

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Photo : DR
 

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