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Coup de cœur Carrefour de Lodéon & Concertclassic - Quintette Moraguès, 30 ans de complicité - Une interview de Pascal Moraguès, clarinettiste


A l’orée des années 1980, les frères Moraguès (Michel, flûtiste ; Pascal, clarinettiste ; Pierre, corniste) entraînèrent le hautboïste David Walter et le bassoniste Patrick Vilaire dans l’aventure d’un quintette à vent. Trois décennies plus tard, l’effectif de l’ensemble n’a pas changé mais son répertoire s’est considérablement enrichi grâce aux nombreuses transcriptions réalisées par David Walter. Le Quintette Moraguès est l’invité des Concerts du dimanche matin de Jeanine Roze, le 18 novembre à 11h au Théâtre des Champs-Elysées, en compagnie du pianiste Eric Le Sage (1). Pascal Moraguès répond aux questions de Concertclassic.

Vous venez de jouer Le Sacre du printemps hier soir au sein de l’Orchestre de Paris dirigé par Paavo Järvi. Que représente l’appartenance au Quintette par rapport à votre activité à l’Orchestre de Paris ?

Pascal Moraguès : C’est difficile à quantifier proportionnellement. L’activité dans un orchestre est quelque chose de très prenant. Je suis membre de l’Orchestre de Paris depuis trente-deux ans et le Quintette existe depuis une trentaine d’années également. Nous sommes trois frères dans cet ensemble et l’effectif est le même depuis sa fondation. Cela crée une relation un peu particulière ; c’est notre formation de musique de chambre privilégiée ; nous avons une telle habitude de travailler ensemble que nous ne pouvons pas aujourd’hui imaginer nous passer du Quintette.

Au moment où, il y a trente ans, vous avez décidé de réunir vos cinq instruments à vent, quelle est la principale difficulté qui s’est présentée à vous ?

P. M. : Notre ambition de départ était de faire vivre notre quintette à vent de la même façon qu’un quatuor à cordes. La difficulté principale, indépendamment du fait qu’il n’y a pas une littérature absolument passionnante, en tout cas chez les compositeurs majeurs, c’est d’associer cinq instruments totalement différents même s’ils appartiennent au même groupe. Flûte, clarinette, cor, hautbois, basson : nous avons cinq timbres totalement opposés ; le défi est d’arriver à mélanger cinq couleurs, cinq façons d’appréhender l’instrument aussi – nous n’avons pas la même attaque, pas la même définition, contrairement aux archets dans un quatuor. Notre préoccupation a été de faire sonner de la façon la plus homogène possible la réunion de nos cinq instruments ; c’est ce qui nous a avant tout guidé au long des trente années écoulées.

Vous avez fait allusion aux problèmes posés par répertoire du quintette. Comment avez-vous contourné cet obstacle ?

P. M. : Nous sommes rendu compte assez rapidement que nous butions sur un répertoire certes assez pléthorique mais manquant d’un peu de richesse pour ce qui est de son contenu. Nous tournions un peu en rond par manque de « nourriture ». La solution a été trouvée grâce à David Walter, qui s’est mis a adapter de grandes pièces du répertoire, d’abord de celui du quatuor à cordes ; ce qui nous a permis de poursuivre notre activité.

Quelles œuvres ont été adaptées ?

P. M. : La première adaptation réalisée par David Walter a été le Quatuor « Américain » de Dvorak. Je pense qu’il avait vu juste car l’écriture de Dvorak est, d’une façon générale très mélodique, et fait énormément appel aux vents dans l’orchestration. On retrouve finalement dans ce Quatuor « Américain » arrangé pour quintette à vent des couleurs que l’on peut imaginer dans la Symphonie « Du Nouveau Monde » ou d’autres pièces orchestrales. Dvorak n’est pas trahi.

Depuis quelques années nous avons ressenti le besoin d’élargir ces adaptations en créant des rencontres avec des pianistes, des voix - Nora Gubisch ou Karen Vourc’h par exemple. A ce propos, Guillaume Connesson devait nous écrire une pièce pour quintette, piano et voix, que nous aurions donnée avec Karen Vourc’h au Festival Messiaen de La Meije. J’espère que ce projet pourra se réaliser dans un avenir proche car l’union de la voix, du quintette à vent et du piano fonctionne très bien.

David Walter a transcrit, il y a des années ou plus récemment, des quintettes pour quatuor à cordes et piano – de Schumann, Dvorak, Brahms, etc.  – que nous aimons beaucoup jouer. Certains organisateurs sont parfois un peu réticents à les programmer et pourtant le public ressort généralement heureux des concerts où nous les donnons. Outre des partitions avec voix et/ou avec piano, nous jouons aussi des adaptations pour double quintette à vent ou quintette à vent et quintette à cordes. L’activité principale des adaptations tourne plutôt autour de ça en ce moment. Nous avons beaucoup de projets dans ce cadre, entre autre le concert du dimanche 18 novembre dans la série de Jeanine Roze.

Quel en est le programme ?

P. M. : Avec Eric Le Sage au clavier, nous jouerons le Quintette KV 452 pour quatuor à vent et piano de Mozart et une adaptation pour quintette et piano de Ma Mère l’Oye de Ravel (2), réalisée par David Walter. Eric donnera par ailleurs quelques pièces pour piano seul de Schumann.

Des projets discographiques ?

P. M. : Nous souhaiterions enregistrer une pièce somptueuse pour quintette et piano inspirée du Petit Prince que Francine Aubin – qui a été pendant de nombreuses années directrice du Conservatoire de Rueil-Malmaison – a écrite pour notre ensemble. Nous aimerions par ailleurs réaliser un programme Dvorak autour de l’adaptation pour piano et vents du Quintette. Et si une pièce comme celle en projet avec Guillaume Connesson voit le jour, elle fera évidemment partie de nos priorités. 

Propos recueillis par Alain Cochard, le 8 novembre 2012

(1) Eric Le Sage remplace Roger Muraro initialement prévu.

(2) Le Quintette Moraguès a enregistré cette adaptation de Ma mère l’Oye avec la pianiste Claire Désert en 1999 au sein d’un magnifique programme Caplet/Ravel (1CD Chant du Monde / LDC 278 1116)

Quintette Moraguès/Eric Le Sage

Œuvres de Mozart, Ravel, Schumann

Dimanche 18 novembre – 11h

Paris - Théâtre des Champs-Elysées

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Photo : DR

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