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Così fan tutte à Nancy - Triste scène, morne fosse, joli plateau - Compte-rendu

Le dernier volet de la trilogie Mozart/Da Ponte fait partie de ces ouvrages indispensables au répertoire d'une maison. Avec son décor de boutique de mariage, la mise en scène de Jim Lucassen ne dit cependant rien de nouveau à propos de cette expérience sur la volatilité des sentiments amoureux. D'autant que les lumières, réglées par Reinhard Traub, tendent à figer une action dont tout le nerf dramatique tient en la diversité des focalisations internes – ce que la distribution des airs et des ensembles suggère clairement. Le second acte, recouvert d'une pelouse artificielle – celle de l'Eden si l'on en croit le tableau final avec serpent et pomme de rigueur – macère dans une lumière blafarde autant qu'il extrapole l'argument en parabole de la tentation, à laquelle se résumerait la problématique du désir développée dans la pièce.

La perplexité se propage jusque dans la fosse où Tito Muñoz, interprète inspiré du répertoire romantique et moderne, semble mal à l'aise avec le classicisme viennois. Entre épaisseur un peu frustre et imprécisions récurrentes, l'Orchestre symphonique et lyrique de Nancy ne se montre pas sous son meilleur jour, quand le pianoforte de Giulio Zappa ne peut compenser par son imagination les stigmates d'un manque de préparation.

Reste heureusement un plateau vocal digne d'intérêt et tout d'abord les gémellaires Fiordiligi et Dorabella. Si la première, incarnée par Marie Adeline Henry, prend des accents musqués inhabituels mais dramaturgiquement intéressants, Gaëlle Arquez fait rayonner sa sœur d'un tempérament aussi juste d'un point de vue musical que théâtral. Applaudie récemment dans le baroque français, elle s'approprie sans difficulté la vocalité mozartienne, et on la verrait bien prendre la place de sa comparse. Pleine de juvénilité, Clemence Barrabé se fait souvent trop discrète Despina, en particulier dans les travestissements – notaire presqu'inaudible. On appréciera le Ferrando vigoureux de Julien Behr et le côté un peu matamore de Gyula Orendt en Guglielmo, tandis que Lionel Lhote apparaît désavantagé par une mise en scène qui n'explore pas la richesse du personnage de Don Alfonso.

Gilles Charlassier

Mozart : Così fan tutte – Opéra national de Lorraine, Nancy, 25 septembre, prochaines représentations les 2 et 4 octobre 2012

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Photo : Opéra national de Lorraine
 

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