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Concerts à domicile

Consommation, échange, dialogue, vie sentimentale : le développement de l’internet a modifié, en profondeur souvent, bien des aspects de nos existences. Les habitudes des mélomanes et discophiles n’échappent pas à cette tendance, grâce aux possibilités offertes par le téléchargement.

Sous le nom de « Global Concert Hall », Deutsche Grammophon et Decca permettent ainsi depuis le 30 octobre d’acquérir par ce biais uniquement (1) une première série d’une dizaine d’enregistrements « live » captés lors de récents (2) concerts du New York Philharmonic et du Los Angeles Philharmonic, sous la conduite de chefs tels que Reinbert de Leeuw, Steve Asbury, Lorin Maazel ou Esa-Pekka Salonen. Deux exceptions dans cette offre pour le moment très américaine : un concert Schumann du Gewandhaus de Leipzig sous la baguette de Riccardo Chailly (Martha Argerich est la soliste du Concerto en la mineur), un autre consacré à Mozart par l’Orchestre de Chambre d’Europe avec Pierre-Laurent Aimard au piano et à la direction.

Outre les deux compositeurs précités, d’autres auteurs du grand répertoire figurent dans plusieurs programmes (Beethoven, Brahms, Dvorak, Berlioz – une étonnante version de Nuits d’été par le ténor Ian Bostridge), mais l’une des principales caractéristiques des premières références proposées par le Global Concert Hall demeure la place très importante qu’y occupe la musique d’aujourd’hui. «Le téléchargement est le canal par lequel la distribution de la musique doit se faire au XXIe siècle. Il offre une grande opportunité pour les mélomanes de découvrir, d’expérimenter et d’apprécier de la nouvelle musique à travers les nouvelles technologies », affirme Esa-Pekka Salonen, que l’on entend diriger la 4ème Symphonie de Lutoslawski ou la première mondiale des « Onze Portes » Hillborg. Si ces deux œuvres sont chacune incluses dans un programme par ailleurs dédié à Beethoven, le Global Concert Hall n’hésite pas à proposer par ailleurs des concerts entièrement contemporains (Andriessen et Pärt par R. de Leeuw, Reich par S. Asbury).

« Découvrir, expérimenter, apprécier la nouvelle musique » : les propos de Salonen souligne l’une des plus intéressantes pistes offertes par le téléchargement. Pour le prix d’un CD de série économique, le mélomane peut évidemment acquérir la totalité de l’album proposé (à partir de trois plateformes : Fnacmusic, iTune et Virginmega – cette dernière se distinguant par sa simplicité d’utilisation). Et s’il ne souhaite que goûter à une plage de l’enregistrement ? Comme autrefois chez « son » disquaire le discophile pouvait se faire une idée de l’enregistrement qu’il envisageait d’acheter en l’écoutant pendant quelques minutes, le Global Concert Hall lui permet – certes pas gratuitement mais pour la somme raisonnable de 0,99 euro - d’acquérir isolément certaines plages de l’album et d’entrer ainsi en contact avec des oeuvres vers lesquelles il ne se serait pas spontanément dirigé dans un rayon classique (on note qu’il est toutefois possible d’écouter gratuitement les premières secondes de chaque morceau). Libre à lui ensuite de poursuivre la découverte ou non.

Avec le recul du temps, le lancement du Global Concert Hall apparaîtra sans doute comme un moment décisif dans l’évolution du rapport des amateurs de classique avec la musique enregistrée. Et plus encore dans le processus de dématérialisation de celle-ci.

Alain Cochard

(1) désigné comme « événement » de la saison, un concert par an pourra toutefois faire l’objet d’une sortie en CD, précisent les promoteurs du Global Concert Hall
(2) Les diverses captations ont été réalisées entre mars et septembre 2006

Photo : DR
 

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