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Compte-rendu - Saison musicale de Royaumont - Machaut revisité dans sa vérité musicologique

La Saison musicale à Royaumont manifeste toujours la même intelligence, la même curiosité agissante vis-à-vis de toutes les musiques vivantes, qu’elles soient d’avant-garde ou solidaires des aventures majeures du haut-passé.

Précisément, il est peu de partitions aussi signifiantes que la fameuse Messe Notre-Dame du Champenois Guillaume de Machaut, qui, six siècles et demi après sa composition, reste toujours riche d’un questionnement que n’ont pas épuisé des générations d’interprètes. Parmi ceux-ci, l’Ensemble Musica Nova a tissé avec l’œuvre des liens privilégiés, en quête d’une identité (et d’une dimension) acoustique qui, jusqu’à présent, semblait se dérober à tous ses exégètes. Car connaissons-nous vraiment ce monument médiéval, en particulier dans ses relations avec la musica ficta : autrement dit, la science des notes qui n’appartiennent pas au système diatonique heptatonal (altérations et accidents) ?

C’est à son chef et chanteur, le très avisé Lucien Kandel, qu’ a été demandé ce travail de bénédictin, avec l’aide savante de Gérard Geay, musicologue, et le résultat fait que la Messe entendue ce dimanche dans ce lieu magique qu’est le Réfectoire des moines de l’Abbaye devient autre, transfigurée par des couleurs et des sonorités inouïes à ce jour.

Pas de soutien instrumental, sauf l’intervention d’un orgue gothique répondant aux voix dans l’aventureuse polyphonie du Kyrie, via les délicates diminutions du Codex Faenza qui sont autant d’enluminures rehaussant le travail des 9 chantres (hommes et femmes) réunis A Cappella.

En tout cas, ce monument contrapuntique dont on ne sait pas exactement à quelle occasion liturgique il fut écrit (vers 1360-1363, sans doute à l’occasion d’une messe votive en l’honneur de la Vierge), a connu, ce dernier dimanche, mieux qu’une reconstitution : une ré-incarnation qui avait valeur d’exemple ; hommage, certes, au plus grand compositeur de l’Ars Nova à l’échelle européenne, mais également travail didactique, grâce aux intuitions de Lucien Kandel, irréprochable maître d’œuvre dans l’approche patiente d’une musique fondatrice à tant d’égards. A commencer par la forme du motet isorythmique, symbole de l’esthétique de l’Ars Nova présent ici dans les sections des Kyrie, Sanctus, Agnus Dei et Ite Missa est, Deo Gratias ; le dernier souhait de l’auditeur captivé que je fus étant qu’un prochain album fixe au disque cette ré-interprétation inspirée dans son mouvement, son geste vocal (large) et sa durée (dilatée).

Roger Tellart

Abbaye de Royaumont, 6 septembre 2009

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Photo : DR
 

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