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Compte-rendu : Pour l’amour des Couperin - Saison musicale du Musée de l’Armée

Né au Brésil en 1976, Bruno Procopio a fait de la France sa seconde patrie, y nouant des amitiés précieuses pour donner une nouvelle dynamique au concert à l’ancienne. Premier prix de clavecin et de basse continue au CNSM de Paris, il a fondé, avec le soutien d’Intégral Distribution, le label Paraty dont le dernier album, consacré aux sonates pour viole de gambe et clavecin de Jean-Sébastien Bach, en collaboration avec Emmanuelle Guigues, a reçu le meilleur accueil de la critique.

Aujourd’hui, toujours avec la même complice, il étend son champ d’activités dans le répertoire baroque, revisitant la dynastie des Couperin, emblème de l’école française de clavecin.

Dans ce décor, le récent concert donné dans le cadre de la saison musicale du Musée de l’Armée en l’Hôtel des Invalides, avait valeur d’exemple : le type même du concert pour happy few où la beauté et l’émotion avancent, si j’ose dire, masquées. Avec comme figure majeure, François Couperin, ce subtil « géomètre du mystère » dont les Pièces de viole avec la basse chiffrée sont publiées en 1728.

L’artiste n’a alors que soixante ans, et pourtant, c’est un homme usé et marqué par la maladie que révèlent ces pages mentionnées par le Mercure de France l’année suivante (ce qui dit leur importance) et en qui est enclose la quintessence du génie national dans ce qu’il a de plus profond et de plus secret.

Pour autant, les circonstances de composition de ces deux chefs-d’œuvre absolus restent entourées d’ombre (pourquoi, sur la page de titre, les seules initiales du musicien aux lieu et place de son nom en toutes lettres, comme c’est le cas pour tout le reste de sa production ?).

Est-ce cet aspect, disons ultime qui a dicté ici leur démarche aux interprètes ? Toujours est-il, qu’à Bruno Procopio ciselant en orfèvre une guirlande de vignettes charmeuses (La Conti, La Garnier, Les Ondes et surtout des Baricades Mistérieuses miraculeusement signifiantes et tendres), répondait la ferveur d’Emmanuelle Guigues, précisément dans les emblématiques Pièces de viole de 1728 qui tournent, avec elle, à la réflexion personnelle sur la mort et la finitude (cf. la Pompe funèbre de la Deuxième Suite en la : un «tombeau » grave et dense comme les aimait le XVIIème siècle, et, tout de suite après, cette très énigmatique Chemise Blanche, allègre fantôme virevoltant dans l’au-delà). En tout cas, déclinée par l’instrument à sautereaux comme par la douce voix de la viole, la poésie s’y faisait palpable, témoignant de l’inspiration des intervenants, où l’on n’omettra pas de citer, en complément, les talents éprouvés de Sylvia Abramovicz à la gambe d’appoint et de Rémi Cassaigne au théorbe (ou guitare baroque).

Roger Tellart

Paris, Grand Salon de l’Hôtel national des Invalides, le 7 décembre 2009

N’oublions pas non plus de signaler la très prochaine sortie du CD (également sous label Paraty) consacré par Bruno Procopio et ses camarades au même programme.

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Photo : DR
 

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