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Compte-rendu - Les sept coups orchestraux de Pascal Dusapin

Pascal Dusapin

À propos de ses sept solos pour orchestre, Pascal Dusapin précise avoir rêvé « d’une forme vaste et complexe constituée de sept épisodes autonomes se régénérant d’eux-mêmes, fécondant d’autres possibles et proliférant sur les interstices laissés entrouverts par les flux précédents ». De fait, des liens organiques existent entre les sept « mouvements » mais c’est surtout le son, immédiatement reconnaissable, de Pascal Dusapin qui tient lieu de trait d’union entre les sept pages de ce fantastique livre d’orchestre.

Ce son, Pascal Rophé le connaît bien. Il avait été le premier à donner, en 1994, un concert monographique des œuvres pour ensemble du compositeur (Fist, Hop’, Coda, Niobé) à la tête de l’Ensemble intercontemporain. La façon qu’il a d’entraîner l’Orchestre philharmonique de Liège , dont il est le directeur musical depuis 2006, est absolument remarquable. Il est rare d’entendre une phalange symphonique s’imprégner à ce point du style d’un compositeur, d’autant que l’œuvre formée par les sept solos mis bout à bout, même s’ils ne sont pas enchaînés les uns aux autres et si une pause est par deux fois ménagée à l’orchestre et son chef après les trois premiers et avant les deux derniers. Pascal Rophé s’excusera d’ailleurs avec humour à la fin du concert de ne pouvoir saluer les rappels du public par un bis, affirmant l’impossibilité pour lui et les musiciens de jouer la moindre note supplémentaire.

Que de notes en effet dans ce fascinant parcours inauguré en 1992 avec Go. On ressent bien dans ce premier essai le plaisir de la découverte de l’orchestre, illustré par une tendance assumée au spectaculaire : les timbales grondent, les appels des cuivres viennent régulièrement rehausser le discours orchestral. Extenso (1994) est déjà une œuvre de maîtrise, aux textures plus travaillées, utilisant l’orchestre avec davantage de raffinement. Elle trouve son contrepoint dans les blocs sonores Apex (1995), avec qui elle forme une sorte de diptyque – les deux œuvres furent créées lors de la résidence du compositeur auprès de l’Orchestre national de Lyon, alors dirigé par Emmanuel Krivine.

Les pages plus récentes continuer de cultiver les contrastes : à Clam (1998), plus statique, a priori moins séduisant et pourtant indispensable respiration au mitan du cycle des sept solos, succède le massif Exeo (2002), dédié à la mémoire de Xenakis, qui évoque bien souvent la dernière manière du compositeur alors tout juste disparu. Les miroitements de Reverso (2006), créé à Aix par Simon Rattle et les Berliner Philharmoniker – le compositeur sait quelle virtuosité il peut demander à un tel orchestre –, sont une sorte d’apothéose sonore et une manière d’accomplissement où s’entend la trace des œuvres lyriques composées entre-temps par Pascal Dusapin.

Il revenait à Pascal Rophé et à l’Orchestre philharmonique de Liège de créer, à l’issue du concert, le septième et ultime solo, Uncut, qui débute par une fanfare clamée par les six cors, inattendue sous la plume du compositeur mais qui n’est pas sans évoquer l’Épilogue des Espaces acoustiques de Gérard Grisey. Uncut est donc la seule pièce à n’avoir jamais été jouée isolément. Elle est en tout cas une parfaite conclusion du cycle, qui se referme ainsi sur un geste fort, une dernière ré-appropriation des sources du cycle entier qui fait penser au finale de la Sinfonia de Berio où se bousculent les bribes arrachées aux mouvements précédents. En tout cas, après une bonne centaine de minutes de musique (dont l’enregistrement par les mêmes interprètes paraîtra à l’automne chez Naïve), une conclusion s’impose : Pascal Dusapin a réussi là son œuvre-univers.

Jean-Guillaume Lebrun

Paris, Cité de la musique, vendredi 27 mars 2009

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Photo : DR
 

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