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Compte-rendu - Le Roi malgré lui à l'Opéra Comique - Un spectacle presque parfait


Débarrassons-nous de ce qui cloche dans ce Roi malgré lui d'Emmanuel Chabrier présenté à l'Opéra Comique avant d'en chanter les louanges en toute sérénité. Et bien, c'est le bruit ! Oui, l'Orchestre de Paris venu en nombre (pas au grand complet, car il ne logerait pas dans un si petit espace !) fait un boucan du diable dans la fosse minuscule, mais énormément sonore de la salle Favart depuis les travaux qu'y a fait faire il y a des lustres Alain Lombard Le chef britannique William Lacey n'y est pour rien : à plus d'un détail réussi, on comprend qu'il est au fait du génie de Chabrier.

Simplement, il y a beaucoup trop de musiciens. Car il faut être réaliste sans vouloir être désobligeant pour autant : formation symphonique, l'Orchestre de Paris a du mal à se départir d'un mezzo... fortissimo redoutable pour les chanteurs. C'est qu'il n'a pas l'habitude d'accompagner de l'opéra et encore moins dans une petite salle où l'on entend tout et où la fosse se comporte comme une loupe sonore. Il y a un tiers de l'effectif qui devrait rester chez lui. Le public du parterre en prend plein les oreilles et entend très mal les chanteurs. Plus dangereux encore pour le spectacle : ces derniers sont obligés de forcer et risquent d'avoir des problèmes avant la fin de la série qui ne comporte pourtant que quatre représentations.

Dommage ! Car on devrait pouvoir amener tous les enfants d'Ile de France pour qu'ils constatent qu'on peut s'amuser à l'opéra comme nulle part ailleurs quand l'auteur est le roi de l'humour en musique et le meneur de revue Laurent Pelly qui fait un sort comique à chaque note du compositeur auvergnat. Venu de l'Opéra de Lyon qui a d'ailleurs prêté ses choeurs totalement géniaux dans leur bonheur à jouer et à chanter, ce spectacle est un feu d'artifice réglé au millimètre. On soupçonne à quelques allusions modernes, Agathe Mélinand d'avoir épousseté légèrement les dialogues parlés, mais dieu que ce vaudeville fonctionne bien : les accessoires claquent comme des éclats de rire et Pelly ne laisse pas le public reprendre son souffle.

Sa complicité avec la distribution merveilleusement juvénile n'est pas moindre. Depuis Patrice Chéreau, on n'a plus vu une telle virtuosité dans la direction d'acteurs au service de l'oeuvre. Elle culmine dans les mouvements browniens qui emportent les choristes de noir vêtus comme ces nuages de chauves souris au couchant : stupéfiant ! Malgré l'excès de décibels produits par la fosse, les solistes sont irréprochables. Côté dames, Magali Léger, Minka, et Sophie Marin-Degor, Alexina, sont dignes des cadeaux que leur fait Chabrier, face à un trio de barytons jouant les trois mousquetaires : Jean-Sébastien Bou en Henri III velléitaire plus vrai que nature, Franck Leguérinel en parfait bouffon italien et Nabil Suliman en grand palatin ridicule à souhait. Le ténor de la joyeuse bande est l'anglo-saxon Gordon Gietz, un Nangis qui a de la branche et dont le léger accent ajoute encore une note pittoresque joliment décalée aux dialogues parlés.

Un des spectacles les plus drôles de la saison parisienne !

Jacques Doucelin

Emmanuel Chabrier : Le Roi malgré lui - Opéra Comique, 27 avril, 29, 30 avril, 2 mai (20h) et 3 mai (16h) 2009.

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Photo : DR

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