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Compte-rendu : Le retour de Cendrillon à l’Opéra Comique - « On a fait de son mieux»


Après Robert Carsen et Laurent Pelly, Benjamin Lazar a choisi de se mesurer à la trop rare Cendrillon de Jules Massenet, créée à l'Opéra-Comique le 24 mai 1899. Délaissée au profit de La Cenerentola rossinienne, pourtant bien éloignée de Charles Perrault, la Cendrillon française est non seulement plus fidèle, mais surtout plus respectueuse de l'esprit poétique et féérique qui sous-tend le conte. Quittant temporairement les reconstitutions historiques qui l'ont fait connaître (Le Bourgeois gentilhomme, Il Sant'Alessio, Cadmus et Hermione), le jeune metteur en scène propose une lecture raffinée où les références aux vieux albums, naïfs et colorés, de notre enfance et à la magie sont largement plébiscitées.

Décor stylisé, dominé par une ample cage métallique dans laquelle semblent être enfermés de drôles d'oiseaux vêtus de costumes XVIIIème, aux formes malicieuses et aux couleurs vives, danses de cour et scènes de foule parfaitement réglées, rivalisent avec de délicieux moments de calme et de poésie. Ainsi l'apparition de la Fée dans une nuit piquée d'étoiles, entourée d'acrobates aériens et de danseurs empanachés, agit-elle comme un pur moment de magie, nécessaire à cette intrigue qui joue constamment avec les codes du genre et passe continûment du rêve à la réalité, du doute à l'espoir et de la frustration au bonheur.

De ce livre aux images efficacement construites, naît un spectacle d'une grande tenue, lisible et sensible, qui nous fait voyager sans véritable temps mort, jusqu'à sa conclusion heureuse et son pied de nez final : « La pièce est terminée/ On a fait de son mieux/ Pour vous faire envoler/ Par les beaux pays bleus ».

Marc Minkowski dirige la partition avec la délicatesse et le panache dont il a coutume, inventant des couleurs et créant des atmosphères magiques elles aussi (duo d'amour de l'Acte II et seconde scène du III) en totale adéquation avec la musique inhabituellement diaphane de Massenet.

Difficile d'imaginer meilleure Mme de la Haltière qu'Ewa Podles, présence immense et voix colossale, flanquée de ses deux filles Noémie (Aurelia Legay) et Dorothée (Salomé Haller) dessinées avec drôlerie et de Pandolfe (Laurent Alvaro remplaçant Frank Leguérinel) adroitement incarné. Le Roi (Laurent Herbaut), le Doyen de la Faculté (Vicent de Rooster), le Surintendant des plaisirs (Julien Neyer), le Premier Ministre (Paul-Henri Vila) composent d'inénarrables figures, tandis que la Fée d'Eglise Gutierrez envahit l'espace de sa magnifique voix ambrée et de ses vocalises au charme enivrant.

Le Prince charmant de Michèle Losier est une belle découverte, la mezzo alliant à la richesse de son timbre un engagement vocal et théâtral de belle envergure, qualités qui font défaut à la soprano Judith Gauthier, honorable mais trop pâle Lucette/Cendrillon, à laquelle il manque encore la grâce et l'abandon sensuel que savait y mettre Frederica von Stade, inoubliable dans ce personnage tendre et fragile, qu'elle remit avec bonheur au goût du jour, dans les années soixante-dix.

François Lesueur

Massenet : Cendrillon - Paris, Opéra Comique, le 5 mars, puis les 7, 9, 11, 13 et 15 mars 2011. www.opera-comique.com

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Photo : Elisabeth Carecchio

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