Dans son kimono de soie noire joliment ajusté, Susanna Mälkki ressemble plus à une accorte kinésithérapeute qu’à un chef d’orchestre… Au pupitre, c’est une autre paires de manches : le geste saccadé est aussi d’une précision chirurgicale qui a du séduire Pierre Boulez lorsqu’il l’a choisie pour patronne de l’Ensemble Intercontemporain. Si la jeune chef finlandaise embrasse ses solistes comme du bon pain quand elle est contente d’eux, elle n’a pas besoin de bâton pour les mener à la baguette.

Le thème du concert qu’elle vient de diriger à la Cité de la musique était consacré à l’influence de la lumière sur les œuvres de compositeurs nés après 1950. Autrement dit, au rôle de l’œil sur l’oreille. Une pièce avait été commandée pour la circonstance au Scandinave Bent Sorensen (1958), Tunnels de lumière, donnée en création mondiale. Expérience peu concluante, l’auteur se perdant dans le labyrinthe obscur de ses impressions.

Il était encadré par des œuvres datant d’une vingtaine d’années de la plus parisienne des Finlandaises Kaija Saariaho (1952), Solar et Aurore boréale. L’occasion de vérifier combien elle aime les démonstrations techniques accumulant les formules à la mode sans être guidée par une quelconque nécessité intérieure. Nous sommes en plein néoclassicisme post-moderne comme disent les pédants… . Ça n’empêche pas de dormir.

Pour nous réveiller, la rusée Susanna Mälkki avait programmé At First Light, inspiré en 1982 au Britannique George Benjamin (1960) par une toile éclatante de Turner. Expérience ô combien concluante ! Le choc pictural a joué pleinement son rôle de déclencheur d’une authentique dramaturgie musicale en trois sections. On songe à l’influence si féconde de la peinture sur un Henri Dutilleux, voire sur Olivier Messiaen, le maître de George Benjamin : un chef-d’œuvre à coup sûr.

Jacques Doucelin

Paris, Cité de la musique, 6 mai 2010

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Photo : Simon Fowler