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Compte-rendu - La Traviata à Orange - Patrizia Ciofi, poignante Violetta


La présence de Patrizia Ciofi à Orange dans le rôle-titre de Violetta, trois ans après ses débuts in loco dans Lucia di Lammermoor, était visiblement très attendue, si l’on en juge l’importante concentration humaine rassemblée sur les gradins. Littéralement envahie par la foule, les Chorégies ont une fois encore répondu à leur mission, en offrant au public l’un de ses titres préférés (pour la 4ème fois depuis 1993), dans une réalisation linéaire et dépouillée. Fidèle au texte, Frédéric Bélier-Garcia, raconte sobrement et simplement la pathétique histoire de Violetta Valéry, demi-mondaine qui use ses forces dans d’interminables soirées arrosées, s’essaie, sans trop y croire, à l’amour auprès d’un amant empressé, avant d’être rattrapée par son destin et de mourir dans le dénuement, malgré son sens du devoir et du sacrifice.

La scène, largement occupée par une estrade coulissante sur laquelle évoluent figurants et choristes lors des réceptions données par Violetta et Flora, puis où trône le vaste lit de la « dévoyée », est habilement employée par le metteur en scène et son scénographe Jacques Gabel. Fluides, les scènes se suivent sans heurt – bonne idée que d’avoir enchaîné le final du 1er acte avec le suivant, Violetta se déshabillant prestement après son «Sempre libera» pour se glisser dans ses draps aux côtés d’Alfredo –, le traitement conventionnel des masses (acte 3) étant contrebalancé par les images extrêmement épurées du dernier acte.

Comme toujours passionnante, Patrizia Ciofi parvient, malgré l’immensité du lieu, à imposer une conception très personnelle et très pensée de cette héroïne qu’elle fréquente depuis bientôt quinze ans. Passées quelques tensions au premier acte, la cantatrice trouve son juste foyer vocal dès le second, où elle déploie de déchirants accents face à Germont, fait valoir une poignante gamme d’expressions dans « Amami Alfredo », puis « Alfredo di questo cuore », et un infaillible sens du drame (« Prendi queste l’imagine »), qui font de son interprétation un authentique moment de théâtre chanté. Il est probable que ce nouveau succès, plus triomphal encore que pour Lucia, en appelle d’autres - nous pouvons compter pour cela sur Raymond Duffaut, le directeur des Chorégies.

Vittorio Grigolo, entendu l’an dernier dans le Requiem de Verdi, Alfredo éminemment solaire et latin, joue avec beaucoup de naturel et chante d’une voix vive et saine au timbre séduisant, ce rôle dont il semble connaître les moindres secrets. Moins en adéquation avec son personnage que ses jeunes collègues, Marzio Giossi interprète convenablement, mais sans surprise, Germont père, d’un instrument monolithique, Laura Brioli, Christine Labadens et Jean-Marie Delpas campant respectivement Flora, Annina et Douphol. Direction sans grande conviction d’un Myung -Whun Chung seulement soucieux de ne pas écraser ses interprètes, à la tête d’un Philharmonique de Radio France que l’on a connu plus engagé.

François Lesueur

Verdi : La Traviata - Chorégies d’Orange, 15 juillet 2009

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Photo : DR

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