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Compte-rendu : Grupo Corpo au TCE - Quand le corps est seul maître

Ils n’ont pas volé leur nom, les 21 athlètes-danseurs de Grupo Corpo, la compagnie vedette qui enflamme le monde depuis 1975, puisque en dehors de leur mère patrie brésilienne, le Minas Gerais, ils ne cessent de tourner. La France les a même accueillis en résidence à la Maison de la Danse de Lyon, il y a une dizaine d’années. Car toute leur danse, toute leur énergie, tout leur amour de leur terre se cristallise en une formidable saga purement gestuelle, où le rythme est roi et le corps son serviteur. Le spectacle présenté au TCE comportait certes une pièce maîtresse de leur répertoire, Parabelo, inspirée de la terre mère et de ses églises baroques, de ses vierges saintes et de sa violence brute, en contrepoint.

Quant au plus onirique Ima, il se veut comme une montée contrastée vers des extrêmes sonores et physiques. Mais quoi qu’en soit le sujet, si l’on réussit à l’identifier, il faut recevoir le message de ces corps lancés dans l’arène, comme un cri de libération des contraintes sociales ou intellectuelles pour laisser parler les pulsions animales. Sans que jamais, heureusement, la transe ne s’en mêle, même si certaines pièces ont des résonances incantatoires, car tout y demeure magistralement contrôlé.

Portés par une foule de musiques bigarrées dont certaines plongent aux racines brésiliennes et africaines, autant que dans la pop et la musique urbaine, avec les signatures vedettes de Gaetano Veloso, Gilberto Gil et Tom Zé, les danseurs, peu individualisés, se nourrissent surtout de la force du groupe, et les filles, plus sportives que danseuses, y côtoient les garçons, somptueux, sans qu’il soit toujours possible de les différencier, surtout dans les éclairages voilés de Parabelo. Les chorégraphies, dont on voit aussi qu’elles empruntent à de multiples sources, des classiques, puisqu’on y repère des pirouettes très académiques, aux plus antiques avec cette ondulation de la croupe qui remonte aux racines du monde et constitue, la base de leur gestique. Et sur cet axe, ils brodent avec une incroyable virtuosité, notamment dans l’extraordinaire pas de deux de Parabelo, où le garçon remue délicatement sa partenaire comme une feuille au vent, la roule comme une mousseline, sans jamais donner l’impression du moindre effort. Une fluidité rare, qui contraste avec la gestique exubérante de l’ensemble de la chorégraphie.

Cri de joie ou de douleur, on ne sait, Grupo Corpo, né il y a trente-cinq ans de l’irrésistible besoin des frères Pederneiras de créer une entité collective sacralisant le corps, pousse simplement un cri de vie. Le monde le reçoit et lui fait fête.

Jacqueline Thuilleux

Grupo Corpo - Paris, Théâtre des Champs Elysées, le 20 novembre ; dernière représentation le 22 novembre 2010.

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